Sénégal. Déclaration de politique générale: le Premier ministre entre «c’est du réchauffé» et «c’est un visionnaire»

Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal, présentant sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le 28 décembre 2024

Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal, présentant sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le 28 décembre 2024. AFP or licensors

Le 28/12/2024 à 15h25

VidéoLe chef du gouvernement, Ousmane Sonko, a présenté sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, détaillant une vision articulée autour de réformes majeures qui incluent la transition d’une gestion centralisée à une gouvernance territorialisée, la modernisation de l’administration sénégalaise et de rupture avec les anciennes pratiques.

Près de neuf mois après sa nomination et deux reports, le Premier ministre sénégalais a fait sa déclaration de politique générale devant un Parlement qui lui est en majorité acquis. Pour réformer «le modèle économique colonial» dans lequel le Sénégal est resté selon lui «enfermé», Ousmane Sonko a promis une réforme fiscale, en «élargissant l’assiette, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyen» et une «rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient aux ménages pauvres». L’ancien opposant à Macky Sall, dont il s’est engagé à lever l’immunité, compte s’appuyer sur les ressources gazières dont le début d’exploitation est en 2025.

Ces points et bien d’autres contenus dans sa politique générale, a suscité des réactions diverses parmi les députés, reflétant les clivages politiques au sein de l’hémicycle.

C’est la «volonté de justice et de rupture», s’est félicitée Awa Sow, députée du PASTEF, le parti de la majorité gouvernementale. Elle a particulièrement insisté sur la nécessité de revenir sur la loi d’amnistie adoptée sous le régime de Macky Sall, qui avait suscité des controverses. «Nous devons rendre justice aux militants de PASTEF et aux Sénégalais qui ont payé de leur vie pendant les événements tragiques de mars 2021 à juin 2024», a-t-elle réclamé.

Maimouna Bousso, également députée de PASTEF, a qualifié Ousmane Sonko de «leader visionnaire». «Comme toujours, il n’a pas déçu. Il a su aborder les questions essentielles pour le développement de notre pays», a-t-elle déclaré avec enthousiasme.

Cependant, tous les élus ne partagent pas cet optimisme. Thierno Alassane Sall, député non-inscrit, s’est montré particulièrement critique, qualifiant cette politique générale de «réchauffé d’anciennes déclarations des régimes précédents». Il a également dénoncé l’absence de détails concrets sur la mise en œuvre des réformes. «Sonko parle de beaucoup de choses, mais comment compte-t-il y parvenir? Comment financer ces réformes? Comment rendre notre secteur privé compétitif?» a-t-il interrogé, pointant du doigt des zones d’ombre dans le discours du Premier ministre.

Ousmane Sonko est censé retourner à l’Assemblée nationale pour solliciter un vote de confiance de son gouvernement et soumettre le projet de budget pour 2025. Toutefois, faute de délais suffisants, ce budget sera voté sans débats, une situation qui pourrait exacerber les tensions politiques déjà palpables. Avec cette politique générale, Sonko a posé les jalons de sa gouvernance, mais il devra convaincre davantage pour obtenir l’adhésion pleine et entière des parlementaires, au-delà de ses partisans.


Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 28/12/2024 à 15h25