Pour organiser la CAN 2025 dans les meilleures conditions et en toute sécurité, le Royaume du Maroc, en collaboration avec la Confédération africaine de football (CAF) et le Comité local d’organisation (LOC), a lancé le 11 octobre l’application Yalla, conçue pour permettre à chaque supporter d’obtenir son Fan-ID, de gérer ses billets et d’accéder à l’ensemble des services du tournoi.
Cette application, spécifique aux supporters de la CAN, combine Fan-ID (carte d’identité numérique du supporter) et e-Visa en vue de simplifier les démarches pour les visiteurs étrangers et permettre l’accès aux stades. Le Fan-ID a été une expérience réussie lors des deux dernières Coupes du monde en Russie et au Qatar.
Le Maroc a donc adopté ce modèle, unique porte d’entrée pour les supporters en centralisant toutes leurs démarches: billetterie, enregistrement des supporters et, pour ceux venant de l’étranger et soumis à un visa, une demande de visa électronique dédiée. L’application officielle permet aux supporters étrangers d’effectuer en ligne et en quelques clics leurs démarches de voyage et d’accès aux stades. Sans le Fan-ID, il est impossible pour un supporter d’accéder aux stades ou aux fan zones.
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Cependant, les supporters de quelques pays africains pourraient rencontrer quelques difficultés même si l’application Yalla est censée faire de la CAN 2025 au Maroc l’édition la plus connectée de l’histoire de la compétition.
En effet, Yalla ne reconnait que les passeports biométriques récents. Conséquence: de nombreux utilisateurs issus de pays africains où les passeports classiques ont encore cours se retrouvent exclus du système.
Les Tunisiens auxquels un visa temporaire, sous forme d’Autorisation électronique de voyage au Maroc, a été imposé du 25 septembre 2025 au 25 janvier 2026, ont été les premiers à réagir. Ils seront suivis des ressortissants d’autres pays qui n’avaient pas besoin jusque-là de visa pour entrer au Maroc: Algérie, Burkina Faso, Cap-Vert, Gabon, Niger, Sénégal et Togo.
Seulement, le e-visa imposé aux Tunisiens pose problème, alors que, contrairement à ce qu’on pouvait penser, leur pays figure parmi les rares nations africaines qui ne disposent pas encore de passeport biométrique. Ce document, et après plusieurs reports, est annoncé pour le second semestre de l’année en cours. Résultat, les Tunisiens ne peuvent pour le moment acquérir de billets ni obtenir de e-visa.
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Cette situation met au goût du jour la nécessité impérieuse pour les pays africains de passer au passeport biométrique. D’après l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), plus de 140 pays et entités non étatiques, comme l’Union européenne, délivrent des passeports biométriques. Certains pays délivrent à la fois passeports biométriques et classiques.
Le passeport biométrique est un titre de voyage plus sécurisé, doté d’une puce électronique contenant des données personnelles (nom et prénom, date de naissance, photo d’identité, empreintes digitales…).
Il présente de nombreux avantages. En premier lieu, il répond à une exigence de modernité tout en s’alignant sur les normes des pays développés et ceux en développement. Ensuite, ce titre de voyage biométrique renforce la protection et la sécurité des documents d’identité, rendant plus difficile les tentatives de falsification grâce à son processus complexe de confection.
Par ailleurs, ce modèle de passeport facilite les traitements au niveau des postes frontaliers. Enfin, dans les pays faisant face à des problèmes d’insécurité, les pièces d’identité et passeports biométriques facilitent les contrôles des citoyens.
Autant d’avantages qui ont fait que les pays africains ont globalement migré vers le biométrique et ceux qui n’ont pas encore franchi le pas font figure d’exception. En effet, plus de quarante pays ont déjà adopté le modèle de passeport biométrique, si l’on se fie aux annonces des Etats, des entreprises qui produisent les passeports et les modèles des titres de voyages contenant le sigle international d’un passeport biométrique (un rectangle horizontal avec un cercle au centre, généralement incrusté en doré).
Le Nigeria a été l’un des précurseurs au niveau du continent en lançant le sien dès 2007. Le pays le plus peuplé d’Afrique a été suivi du Maroc qui a lancé ses passeports biométriques en décembre 2009 en partenariat avec Gemalto, le géant français de la sécurité informatique. Ce dernier a été racheté en 2019 par Thales. Ce passeport biométrique est devenu obligatoire à partir du 30 mars 2015.
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À noter que le Maroc est l’un des rares pays africains qui produit ses propres passeports biométriques. Ce document est produit par Dar As-Sikkah (Hôtel de la monnaie), filiale de Bank Al-Maghrib qui produit également la monnaie.
L’Éthiopie aussi produit localement son passeport biométrique. Au niveau des pays de l’Alliance des États du Sahel, le passeport biométrique a été mis en circulation au Mali en janvier 2025, document reconnu dans l’espace Schengen depuis avril 2025.
Plus récemment, la République démocratique du Congo (RDC) a lancé le 27 mai 2025 son nouveau passeport biométrique qui coexistera avec l’ancien jusqu’en 2030, date à laquelle les passeports classiques devraient disparaître.
Globalement, au rythme de l’évolution actuelle, et suivant les normes internationales édictées par l’OACI, il est probable que la totalité des pays africains aient basculé vers les passeports biométriques à l’horizon 2030.
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Actuellement, presque tous les pays de la communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) disposent de passeports biométriques.
À l’ère de la transition numérique, ces passeports électroniques marquent une étape importante dans la quête de voyages fluides, d’une meilleure intégration régionale et d’une sécurité accrue dans une région de plus en plus minée par l’insécurité.
L’objectif étant de simplifier le passage des frontières, de renforcer les mesures de sécurité et de favoriser une plus grande mobilité des citoyens entre les États membres de ces regroupements régionaux. Une situation qui fait que presque tous les pays membres de ces regroupements ont migré vers la technologie biométrique. Parallèlement, de nombreux pays d’Afrique australe et du Nord ont migré vers les passeports biométriques.
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Toutefois, une poignée de pays utilisent encore les passeports classiques. C’est le cas de l’Égypte, de l’Afrique du Sud, de la Tunisie, de l’Angola, de Maurice, de l’Érythrée et de la Zambie. Cependant, ces pays sont engagés dans des processus de migration vers les titres de voyages biométriques.
La Tunisie devrait en faire autant d’ici la fin de l’année, sauf nouveau report. Le cas de la Tunisie suscite des interrogations. Ce pays d’Afrique du Nord étant l’un des plus avancés en termes de numérique au niveau du continent africain.
L’application «Yalla»spécifique aux supporters de la CAN 2025 qui combine Fan-ID (carte d’identité numérique du supporter) et e-Visa en vue de simplifier les démarches pour les visiteurs étrangers et permettre l’accès aux stades est compatible avec uniquement les passeports biométriques.
Pour l’Angola, l’adoption du passeport biométrique est annoncée pour 2026. L’Egypte avait mis en place les infrastructures nécessaires avant de reporter le lancement de ses passeports biométriques pour des raisons qui restent inconnues.
Reste que le choix de la migration vers les passeports biométriques suscite de la part de certains États quelques inquiétudes légitimes. En effet, pour implémenter la biométrie, il faut des technologies sophistiquées. Il faut être en mesure de concevoir et de produire des puces électroniques sécurisées, développer et gérer la maintenance des logiciels de personnalisation de haute sécurité et savoir produire des papiers fiduciaires anti-falsification, les hologrammes et des encres spéciales.
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Or, actuellement, aucun pays africain ne maîtrise toutes ces technologies de bout en bout. On comprend alors pourquoi les entreprises européennes ont le monopole de la fabrication des passeports biométriques africains. Une situation qui entraine la dépendance des pays africains vis-à-vis des entreprises des pays étrangers, notamment européens. Plus grave encore, avec ces passeports électroniques, ces entreprises étrangères ont accès aux données personnalisées des citoyens des pays africains. Ce qui pose un problème de souveraineté.
En effet, actuellement, une poignée d’entreprises étrangères produisent entièrement ou partiellement les passeports biométriques des pays africains. Les principales sont les entreprises françaises (Thales et Idemia), allemandes (Mühlbauer, Augentic et Veridos), belges (Zetes et Semlex), malaisienne (Iris Corporation Berhad) -la Malaisie est le premier pays au monde à émettre des passeports biométriques en 1998-, chinoise (Emptech)…
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Or, ces entreprises ont accès aux données personnelles sensibles. Dans certains cas, ces firmes disposent même des clés d’accès aux données stockées.
Une situation qui pousse certains pays à vouloir produire localement leurs passeports biométriques et contrôler ainsi leurs données personnelles.
A défaut de pouvoir produire à domicile, certains changent d’opérateurs quand les questions politiques s’y mêlent. Ainsi, le 17 octobre courant, le Mali a changé de fournisseur de passeports biométriques en confiant à la société chinoise Emptech la production du nouveau passeport électronique AES (Alliance des Etats du Sahel), mettant ainsi fin à sa collaboration avec l’entreprise française Idemia, qui est désormais dans le giron de l’entreprise publique française IN Group.
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Enfin, il faut souligner qu’à l’exception de quelques rares destinations, les voyageurs n’ont pas obligatoirement besoin d’un passeport biométrique. Seulement, pour les passeports ordinaires, les contrôles manuels prennent du temps allongeant les files d’attente.
Mieux encore, certains pays développés pensent déjà aux voyages du futur qui seront entièrement dématérialisés, en éliminant les passeports papiers. Il s’agit de l’utilisation de documents de voyage numériques avec des données reliées au téléphone de la personne ou parfois même à son visage via la technologie de reconnaissance faciale. Ce futur du voyage international est déjà expérimenté dans certains pays comme la Corée, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Finlande,…