La Russie a accueilli les 27 et 28 juillet le 2e Sommet et forum économique et humanitaire Russie-Afrique avec comme devise «Pour la Paix, la sécurité et le développement». Pour cette édition, qui a eu lieu dans le contexte particulier de la guerre Russie-Ukraine, l’un des enjeux majeurs était le degré de participation des délégations africaines à cette manifestation.
Et à ce titre, la liste des participant a été très scrutée par les Occidentaux, notamment les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni qui ont multiplié les pressions pour dissuader les dirigeants du continent de se déplacer à ce sommet. Les Occidentaux s’inquiètent de l’ambition déclarée du Kremlin d’étendre son empreinte politique, militaire et économique en Afrique. Dès lors, le nombre de pays représentés, et surtout au plus haut niveau, constitue un indicateur de l’influence de la Russie sur le continent.
Dans ce challenge, on peut souligner que la Russie a plus ou moins gagné son pari. En effet, 49 pays sont représentés lors de cette édition. En gros, c’est un aéropage hétéroclite de délégations africaines qui a débarqué à Saint-Pétersbourg: présidents, vice-présidents, Premiers ministres et des ministres des Affaires étrangères. Mais un chiffre est à retenir, 17 chefs d’Etat ont fait le déplacement. On est certes loin des 45 chefs d’Etat présents lors de la première édition de 2019 durant laquelle 54 pays étaient représentés, c’est-à-dire toute l’Afrique, mais vu le contexte au niveau de la région et les pressions énormes exercés sur les pays africains par les pays occidentaux, recevoir 17 chefs d’Etat, des vice-présidents et de nombreux chefs de gouvernement peut être aisément considéré comme un succès.
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Parmi les présidents africains présents figuraient Abdel Fettah Al-Sissi (Egypte), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Macky Sall (Sénégal), Denis Sassou Nguesso (Congo), Assimi Goïta (Mali), Ibrahim Traoré (Burkina Faso), Umaro Embalo (Guinée-Bissau), Isaias Afwerki (Erythrée), Azali Assoumani (Comores), Paul Biya (Cameroun), Emmerson Mnangagua (Zimbabwe), Faustin-Archange Touadéra (Centrafrique), Yoweri Museveni (Ouganda) et Filipe Nyusi (Mozambique), Évariste Ndayishimiye (Burundi), Mohamed al-Menfi (Libye) et Abiy Ahmed (Ethiopie).
Le président russe Vladimir Poutine a eu des entretiens avec tous les dirigeants africains qui ont participé à cette manifestation et un petit-déjeuner de travail avec un groupe de dirigeants et une réunion avec la mission africaine de médiation sur le conflit Russie-Ukraine.
Certains des chefs d’Etat présents sont des alliés traditionnels et nouveaux de la Russie, notamment ceux des pays d’Afrique australe, toujours reconnaissant de l’apport de la Russie dans leur lutte contre l’Apartheid et leur indépendance (Zimbabwé, Zambie…) et les nouveaux partenaires (Centrafrique, Mali, Burkina Faso,…).
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D’autres alliés historiques aussi ont fait le déplacement dont le plus en vue est certainement le président égyptien Abdel Fettah Al-Sissi. Partenaire stratégique de la Russie, l’Egypte premier importateur mondial de blé et dont les importations viennent en grande partie de la Mer noire (Russie et Ukraine notamment), va négocier la sécurisation de l’approvisionnement de son pays en blé après que la Russie a mis fin à l’Accord céréalier qui permettait à l’Ukraine d’exporter son blé via la mer Noire. Important 13 millions de tonnes de blé par an, cet arrêt de l’accord fait craindre le pire à l’Egypte. Ce sera l’occasion pour le président égyptien de discuter avec Poutine de la sécurité de l’approvisionnement de son pays en blé.
Sur le volet économique et humanitaire du sommet, plusieurs accords et mémorandums ont été signés avec de nombreux pays. Parmi ceux-ci figurent, l’accord russo-ougandais sur la construction d’une centrale nucléaire. Le président ougandais a profité de l’occasion pour demander aux Russes d’investir dans le domaine des batteries électriques. «Nous aimerions collaborer avec la Russie dans la production de batteries. Nous avons du lithium, des terres rares, d’autres matières premières. Si vous voulez devenir nos partenaires dans la production d’accumulateurs, ce sera un bon investissement», a sollicité le président ougandais.
En outre, les partenaires présents ont approuvé le plan d’action du Sommet Russie-Afrique jusqu’en 2026. Affirmant que le sommet Russie-Afrique aura lieu tous les trois ans, Vladimir Poutine a expliqué que durant ces périodes, un mécanisme de partenariat et de dialogue fonctionnera avec des consultations politiques régulières entre les ministères des Affaires étrangères de Russie comme des pays africains et les dirigeants de l’Union africaine.
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A travers le forum, la Russie souhaite développer ses échanges avec les pays africains. Des échanges qui sont pour le moment modestes et évalués à environ 20 milliards de dollars par an et surtout déséquilibrés en faveur de la Russie.
Ces échanges sont aujourd’hui freinés aussi par les problèmes de paiement depuis que les banques russes qui sont exclues du système de relations de correspondance basé sur Swift depuis l’invasion de l’Ukraine. Et pour dépasser cet écueil, le président russe Vladimir Poutine a déclaré qu’«afin d’élargir les liens commerciaux et économiques, il est important de passer plus énergiquement aux règlements financiers pour les transactions commerciales en monnaies nationales, y compris le rouble». A ce titre, la création d’un moyen pour faciliter les transactions bancaires entre les banques russes et africaines est imminente, selon Danila Algoulian, vice-président de la Société d’Etat russe de développement (VEB).
Le forum économique et humanitaire a été aussi l’occasion pour le président russe de faire jouer la diplomatie du blé après l’abandon de l’accord sur les céréales. Face à l’inquiétude des pays africains, la Russie s’est posée comme alternative. Le président Vladimir Poutine a proposé de «remplacer les céréales ukrainiennes sur une base commerciales et sans frais», ajoutant que «malgré les sanctions, la Russie continuera à travailler vigoureusement pour organiser l’approvisionnement en céréales, en nourriture, en engrais et plus encore vers l’Afrique» a rassuré le président russe.
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La Russie, troisième grand producteur de blé au monde, derrière la Chine et l’Inde, a exporté 11,5 millions de tonnes de céréales vers l’Afrique en 2022, et près de 10 millions de tonnes supplémentaires au cours des six premiers mois de 2023.
Et à côté des livraisons commerciales, Poutine a déclaré que «dans les mois qui viennent, nous seront en mesure d’assurer des livraisons gratuites de 25.000 à 50.000 tonnes de céréales au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République Centrafricaine et à l’Erythrée». Six pays qu’on peut classer parmi les plus fidèles alliés de la Russie et sur lesquels Moscou est sûr de compter lors des votes aux Assemblées générales de l’ONU. D’ailleurs, les largesses de Poutine ne concernent pas uniquement le blé. Le président russe a offert un hélicoptère au président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa.
Sur d’autres volets relatifs à la sécurité et à la défense, ce sommet a été l’occasion pour Vladimir Poutine de recalibrer les interventions du groupe paramilitaire Wagner après le bras de fer entre le Kremlin et le chef des mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine.
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Poutine a tenu à rassurer les dirigeants africains qui accueillent les forces Wagner. Et le Burkina Faso qui a demandé l’aide de la Russie pour former ses forces antiterroristes spéciales pourrait bénéficier du concours des paramilitaires Wagner et rejoindre ainsi le Mali, la Centrafrique, le Mozambique… La présence du président burkinabè à Saint-Pétersbourg est un signal fort du futur partenariat que les deux pays pourraient nouer dans le domaine sécuritaire.
Dans le même sillage, la Russie profite de l’occasion pour vendre ses armes aux pays africains. Le forum est ainsi l’occasion pour le producteur d’armes russe Kalachnikov d’exposer ses produits AK-100, AK-200, la famille de fusils d’assaut Ratnik… Mais aussi des hélicoptères Mil, des avions Sukhoi et MiG, les systèmes de défense aérienne Pantsir-S1, Tor-M2E, Komet-E.
A noter que le continent absorbe à hauteur de 25% des ventes d’armes russes. C’est dire qu’il s’agit d’un marché non négligeable pour les fabriquant d’armes russes. D’ailleurs, lors du sommet, de nombreux pays ont examiné la possibilité d’acquérir des armes russes. C’est le cas du Nigeria qui a manifesté son intérêt pour les chasseurs russes Checkmate, après l’acquisition d’hélicoptère d’attaque Mi-35. Le Su-75 Checkmate est le premier avion de combat furtif monomoteur de 5e génération développé par Soukhoï.