Trois ans plus tard, à 40 ans, le président de transition autoproclamé paraît indiscutablement plus posé et assuré, à cinq jours d’une présidentielle prometteuse en l’absence de rival sérieux dans une opposition muselée, violemment réprimée ou habilement phagocytée comme savait le faire son maréchal de père.
Il a ainsi neutralisé Saleh Kebzabo, opposant historique au régime du maréchal Idriss, en le nommant Premier ministre en octobre 2022, avant de le remplacer le 1er janvier 2024 par le jeune Succès Masra, le plus farouche contempteur des Déby père et fils. MM. Kebzabo et Masra avaient dénoncé son «coup d’Etat» en avril 2021.
«Dynastie Déby»
Sa junte a aussi écarté politiquement ou physiquement tout rival présidentiel, et l’opposition l’accuse de vouloir perpétuer «la dynastie Déby».
Mahamat Idriss Déby Itno semble effectivement déterminé à placer ses pas dans ceux de son père et se préparer à un long règne.
Son nouveau costume de président semblait au début bien grand pour cet homme issu d’une école d’officiers tchadienne n’ayant jamais approché la politique de près ou de loin.
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En trois ans et de nombreuses réceptions en grande pompe à Paris, Moscou ou dans les capitales africaines, il a pris de l’étoffe et troqué, comme son père, l’uniforme contre le boubou traditionnel ou le costume de marque.
Mais sa légitimité et sa popularité déjà fragiles au sein même de la famille Déby et de son ethnie zaghawa, qui régissent le pays depuis 33 ans, vacillent un peu plus depuis que les militaires ont tué, il y a deux mois, son cousin Yaya Dillo Djérou, son plus sérieux rival pour la présidentielle, dans l’assaut du siège de son parti d’opposition.
Ce que son parti dénonce comme un «assassinat», d’une « balle dans la tête à bout portant», a renforcé une tendance qui sourdait déjà sous le maréchal: Mahamat Déby cristallise une discorde, une faille qui s’est creusée au cœur du clan familial et des Zaghawas.
Pour affirmer son autorité, il a écarté plusieurs généraux fidèles à son père dans une toute-puissante armée dont le commandement est trusté par les Zaghawas et quelques alliés de l’ethnie gorane - il est zaghawa par son père et gorane par sa mère.
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Mais à l’approche de l’élection, la rumeur bruisse de tentative de coup d’Etat ou de mutinerie d’une partie des militaires autrefois fidèles au maréchal ou proches de M. Dillo.
Adoubé à l’étranger
Mahamat Déby est un piètre orateur en meeting et rechigne manifestement aux bains de foule. Il doit parfois forcer le trait en chef de l’État assuré et autoritaire, copiant les attitudes martiales de son géniteur, au pays comme à l’étranger où il avait été rapidement adoubé par une communauté internationale - France en tête - tout aussi prompte à vilipender et sanctionner ailleurs en Afrique les militaires putschistes.
Comme son père encore, il renfile volontiers son treillis et son béret rouge des commandos d’élite de la garde présidentielle - qu’il a commandés de 2014 à 2021 - quand il se rend près du front.
Biographes et hagiographes assurent qu’il s’est illustré plusieurs fois au combat, notamment en 2009, dans l’Est, contre la rébellion. Tout comme son père là encore, ancien rebelle qui s’est emparé du pouvoir en 1990 - à 38 ans... - et n’a jamais cessé de se dépeindre en «guerrier».
Sur le plan intérieur, Mahamat Déby n’a jamais laissé la moindre opposition, la moindre dissidence prendre corps. Il alterne la répression meurtrière (une manifestation pacifique matée dans le sang le 20 octobre 2022, l’assaut contre le parti de M. Dillo...), et la séduction, voire le braconnage, dans l’opposition politique et armée.