Tchad: Mamahat Déby, l’ex-chef de la junte élu président, a prêté serment

Le président élu du Tchad, le général Mahamat Idriss Deby Itno (au centre), arrive pour son investiture au Palais des Arts et de la Culture de N'Djamena le 23 mai 2024.. AFP or licensors

Le 23/05/2024 à 13h02

Le général Mahamat Idriss Déby Itno, chef de la junte militaire depuis trois ans au Tchad avant d’être élu Président dans un scrutin boycotté par l’opposition, a prêté serment jeudi pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois.

Son élection à la présidentielle du 6 mai, avec officiellement 61% des suffrages, met fin à une période de transition au début de laquelle il avait été proclamé, le 20 avril 2021, à la tête de l’Etat par une junte militaire à la mort de son père Idriss Déby Itno. Le maréchal venait d’être tué par des rebelles en se rendant au front, après avoir dirigé le Tchad d’une main de fer pendant plus de 30 ans.

«Nous, Mahamat Idriss Déby Itno (...), jurons devant le peuple tchadien et sur l’honneur (...) de remplir les hautes fonctions que la Nation nous a confiées», a juré le chef de l’Etat, vêtu de son traditionnel boubou blanc, devant les membres du Conseil constitutionnel et des centaines d’invités au Palais des Arts et de la Culture de N’Djamena.

Après avoir vanté dans un discours le «retour à l’ordre constitutionnel», il a promis d’être «le Président des Tchadiens de tous horizons et de toutes sensibilités».

«Dynastie Déby»

L’élection de ce général de 40 ans, dans un scrutin jugé peu «crédible» par des ONG internationales, marque aussi la fin d’une transition marquée par une répression féroce, parfois dans le sang, d’une opposition qui appelle à mettre fin à 34 années de «dynastie Déby».

L’ex-opposant Succès Masra, que Déby avait nommé Premier ministre il y a quatre mois, avait cru - ou prétendu croire - faire illusion avec une candidature rivale qualifiée par l’opposition de «vernis démocratique» dans un «scrutin joué d’avance».

Il n’a recueilli que 18,54% des suffrages officiellement, mais avait revendiqué la victoire. Avant de jouer l’apaisement en appelant ses partisans à «poursuivre le combat politique (...) pacifiquement». Masra a présenté sa démission mercredi et était absent à l’investiture.

Adoubé

La cérémonie était aussi l’occasion, en jaugeant le nombre de chefs d’Etat présents, de voir si la communauté internationale soutient toujours celui qu’elle avait adoubé sans barguigner en 2021, alors qu’elle vilipendait et sanctionnait partout ailleurs en Afrique les militaires putschistes. Au final huit chefs d’Etat, tous africains, ont fait le déplacement à N’Djamena. Quelques autres ont dépêché des ministres, le reste leurs ambassadeurs.

Le Français Emmanuel Macron, l’un des rares chefs d’Etat occidentaux à avoir publiquement «félicité» M. Déby pour son élection, a dépêché à l’investiture son ministre délégué chargé notamment du Commerce extérieur et de la Francophonie, Franck Riester.

Le Tchad, pays parmi les plus pauvres du monde, est considéré comme le pilier régional de la guerre contre les jihadistes au Sahel. Paris y entretient un millier de ses militaires, ailleurs expulsés du Mali, du Burkina Faso et du Niger au bénéfice de la Russie et ses paramilitaires ou mercenaires.

Le président russe Vladimir Poutine a été l’un des tout premiers chefs d’Etat à féliciter Mahamat Déby pour son élection.

«Pas démocratique»

Au diapason de l’opposition qui a appelé à la boycotter, des ONG internationales, à l’image de la Fédération internationale des droits humains (FIDH), ont fustigé une élection «ni crédible, ni libre, ni démocratique», «dans un contexte délétère marqué par (...) la multiplication des violations des droits humains».

La junte a fait réprimer violemment toute opposition depuis trois ans et avait écarté du scrutin les rivaux les plus dangereux du général Déby, dans un pays marqué, depuis son indépendance de la France en 1960, par les coups d’Etat, les régimes autoritaires et les assauts réguliers d’une multitude de rébellions.

Le 20 octobre 2022, au moins 300 jeunes qui manifestaient contre le maintien de la junte ont été tués par balles par les militaires et policiers, selon les ONG nationales et internationales. Une cinquantaine, a reconnu le pouvoir. Et plus d’un millier déportés un mois dans un sinistre bagne en plein milieu du désert, dont certains ont été «exécutés» en chemin ou torturés, selon les mêmes ONG et l’opposition.

Deux mois avant l’élection, Yaya Dillo, cousin de Mahamat Déby et son plus farouche rival pour la présidentielle, avait été tué par des militaires dans l’assaut du siège de son parti. «Assassiné» d’une «balle à bout portant dans la tête», selon son parti. Des pays occidentaux et des ONG réclament en vain depuis une enquête indépendante.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 23/05/2024 à 13h02