Tunisie: nouveau vote pour le Parlement avec la participation comme baromètre

Une photo fournie par le service de presse de la présidence tunisienne montre le président Kais Saied votant lors d'un référendum sur un projet de constitution qu'il a présenté, dans un bureau de vote de la capitale Tunis, le 25 juillet 2022.. AFP or licensors

Le 27/01/2023 à 06h59

Quelque 8 millions de Tunisiens sont invités à voter dimanche pour élire un nouveau Parlement aux pouvoirs limités par le président Kais Saied, sur fond de désaffection pour la politique et de difficultés économiques croissantes.

Deux-cent-soixante-deux candidats (pour 131 des 161 sièges) se présentent au deuxième tour des législatives, l’une des dernières étapes de l’instauration d’un système ultra-présidentialiste, objectif affiché de Saied depuis son coup de force de l’été 2021.

Le 25 juillet 2021, jugeant le pays ingouvernable, le président limogeait son Premier ministre et gelait l’Assemblée parlementaire, dissoute au printemps 2022 avant une réforme de la Constitution l’été passé qui restreint grandement les prérogatives du Parlement.

Celui-ci, formé de l’Assemblée des députés, élus dimanche, et d’un Conseil national des régions (encore à établir), «n’accorde pas la confiance au gouvernement et ne peut pas le censurer, sauf à la majorité des 2/3 des deux chambres et au bout de deux motions», rappelle à l’AFP le juriste et politologue Hamadi Redissi. En outre, le président ne peut être destitué même pour faute grave.

«Vu le désintérêt de la population» pour la politique, «ce Parlement aura peu de légitimité, le président tout puissant grâce à la Constitution de 2022 pourra le dominer à sa guise», estime Youssef Cherif, expert du Columbia Global Centers.

Au premier tour, le 17 décembre, seuls 11,22% des électeurs s’étaient déplacés, soit la plus forte abstention depuis la Révolution de 2011 qui fit chuter le dictateur Ben Ali et marqua l’avènement de la démocratie.

Les experts prévoient une participation de nouveau faible.

Comme au premier tour, l’opposition, marginalisée par un mode de scrutin interdisant aux candidats d’afficher une affiliation politique, a appelé à boycotter le vote, au nom aussi de son rejet du «coup d’Etat» de Saied.

La campagne apparaît fade, avec peu de panneaux électoraux et des candidats majoritairement inconnus.

Pour mobiliser l’opinion, surtout la jeunesse qui avait massivement voté en 2019 pour Saied, alors novice en politique, l’autorité électorale a organisé des débats télévisés aux heures de grande écoute.

Mais dans la rue, l’attention est ailleurs.

La population a vu son pouvoir d’achat plonger avec une inflation supérieure à 10%, et subit des pénuries sporadiques de produits comme le lait, l’huile ou la semoule.

L’envoi par la Libye voisine de 170 camions d’aide alimentaire la semaine passée a été vécu comme une «humiliation» par beaucoup de Tunisiens.

«Le pays est au bord de l’effondrement», estime Redissi, inquiet des pénuries que «le président impute pathétiquement aux +spéculateurs+, +traîtres+, +saboteurs+».

«Mécontentement général»

Malgré un «mécontentement général» alimenté par des grèves des transports ou de l’enseignement, les manifestations ne mobilisent pas les foules et «il se peut que le statu quo continue tant que le Tunisien lambda ne verra pas d’alternative crédible au président Saied», estime Cherif.

L’opposition, qui a appelé le président à démissionner après le camouflet du premier tour, reste divisée en trois blocs inconciliables: le Front de salut national coalisé autour du parti d’inspiration islamiste Ennahdha -bête noire de Saied-, le PDL d’Abir Moussi qui revendique l’héritage de Ben Ali et les partis de gauche.

Autre impasse: les négociations cruciales du pays, très endetté, avec le FMI pour un prêt de quasi 2 milliards de dollars piétinent depuis des mois.

Divers facteurs semblent freiner un accord: d’abord il y a, selon Cherif, «le rôle des Etats-Unis», poids lourd du FMI, inquiets d’une dérive autocratique en Tunisie, «étoile déchue» alors qu’elle était «un modèle de démocratie».

Et le président Saied «semble hésiter à accepter les diktats du FMI» pour des réformes douloureuses comme la levée des subventions sur les produits de base, décrypte Cherif.

Il y a «un décalage flagrant entre les déclarations souverainistes intempestives du président contre les organisations internationales, et le programme proposé au FMI par le gouvernement», abonde Redissi.

Lueur d’espoir à ses yeux: «l’initiative de la dernière chance» pilotée par la puissante centrale syndicale UGTT avec la Ligue des droits de l’homme, l’Ordre des avocats et l’ONG socio-économique FTDES pour un «plan de sauvetage» du pays.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 27/01/2023 à 06h59