Zimbabwe: le président «crocodile» vivement contesté, menaces de coup d’Etat

Le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa.

Le 28/03/2025 à 13h48

Le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa fait face à la plus vive contestation depuis son arrivée au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat il y a huit ans, entre luttes intestines au sein de son parti et colère croissante de l’opinion sur fond d’économie défaillante.

Défiant ouvertement le chef de l’Etat de 82 ans, surnommé «le crocodile» pour son caractère impitoyable et sa ruse politique, un ancien combattant de la guerre d’indépendance et ancien cadre de la Zanu-PF au pouvoir a appelé à des manifestations contre lui lundi.

«La tâche de destituer Mnangagwa a déjà commencé», a fanfaronné cette semaine sur les réseaux sociaux Blessed Geza, en treillis, qui est aussi connu sous le nom de «Bombshell», signifiant en anglais à la fois une bombe et une forte surprise.

En réponse, la police a annoncé jeudi avoir renforcé ses positions dans tout le pays et indiqué qu’elle prendrait des mesures contre toute personne «incitant à la violence», dans ce pays d’Afrique australe où les manifestations sont rares et très contrôlées par les autorités.

L’opposition étant sévèrement étouffée depuis des années, et Geza lui-même se cachant, il n’est pas certain que beaucoup répondent à l’appel à manifester.

Des manifestations de masse en 2017 avaient soutenu l’armée pour mettre fin aux décennies de pouvoir de Robert Mugabe et le remplacer par M. Mnangagwa, alors son vice-président, aujourd’hui perçu comme encore plus autoritaire et servant ses propres intérêts.

Takudzwa Dube, qui vit de petits boulots, restera chez elle lundi pour «raisons de sécurité».

Le naufrage de l’économie et le chômage induisent aussi que «les gens sont concentrés» sur leur survie, laissant peu de place pour «se préoccuper de manifester», note cette jeune diplômée de 24 ans à Bulawayo, deuxième ville du pays.

C’est la volonté d’une faction de la Zanu-PF de prolonger le mandat de M. Mnangagwa au-delà des deux mandats limités par la Constitution, qui s’achèvent en 2028, qui a fait exploser la colère.

«Le scénario actuel est celui d’une contestation chaotique de la succession au pouvoir», affirme Tendai Mbanje, analyste basé à Johannesburg. «Le pays est terriblement tendu, avec une forte sécurisation des grandes villes, ce qui annonce une situation potentiellement explosive».

Prévenir un coup d’Etat

M. Geza et sa faction de vétérans de la guerre qui a conduit à l’indépendance en 1980 font pression pour remplacer le chef d’Etat par son vice-président, Constantino Chiwenga, un général à la retraite qui est précisément celui qui avait orchestré le coup d’État de 2017.

Les tensions actuelles rappellent le climat qui avait précédé ce coup d’Etat spectaculaire, affirme à l’AFP Linda Masarira, dirigeante du parti d’opposition LEAD, estimant que «les bagarres entre factions de la ZANU-PF pourraient déstabiliser le pays».

Dans ce qui a été interprété comme un signe que le président s’inquiète de la loyauté des militaires, il a rétrogradé mardi le chef de l’armée Anselem Nhamo Sanyatwe au poste moins influent de ministre des Sports et de la Culture.

Le transfert de M. Sanyatwe visait à protéger M. Mnangagwa d’une mutinerie, affirme l’analyste Eldred Masunungure. «Cela s’inscrit dans une démarche de prévention contre un coup d’Etat».

Le président a, quant à lui, lu la loi anti-émeute lors d’une réunion de la ZANU-PF cette semaine. «Que ceux qui aboient continuent d’aboyer pendant que je fais avancer le pays», a-t-il déclaré, qualifiant ses détracteurs d’«éléments voyous et délirants».

«Il n’y a absolument aucune lutte au sein du gouvernement», a démenti mercredi auprès de l’AFP son porte-parole Nick Mangwana.

Toute faction poussant à un changement de leadership pourrait ne pas trouver le même soutien populaire qu’en 2017, met en garde la militante des droits humains Abigale Mupambi.

«Les gens font très attention à ne pas se laisser entraîner dans des histoires qui n’ont rien à voir avec leurs problèmes», dit-elle.

Tendai Mbanje est du même avis. «En cas de prise de pouvoir inconstitutionnelle, ce sont les militaires qui en profiteront. Il n’a jamais été question des citoyens».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 28/03/2025 à 13h48