Officiellement, Ousmane Sonko est suspendu de ses fonctions d’inspecteur des impôts pour faute professionnelle. La tutelle reproche à l’inspecteur des impôts d’avoir violé le code des impôts qui soumet les agents à une «obligation de réserve». Officieusement, le pouvoir veut faire taire un fonctionnaire devenu opposant.
D’ailleurs, le Syndicat autonome des agents des Impôts et domaines, qui s’oppose à la décision de suspendre leur collègue, va déposer un préavis de grève aujourd’hui. Mieux, le secrétaire général de ce syndicat, Elimane Pouye, réclame, pour respecter la logique, la démission du ministre de l’Economie et des finances, Amadou Bâ, ainsi que le directeur général des Impôts et Domaines, Ahmed Tidiane Bâ, «qui font de la politique au même titre» que l’inspecteur Sonko.
Le directeur général des Impôts et domaines et le ministre de l’Economie sont des militants de l’APR (Alliance pour la République, le parti de Macky Sall). Je crois que, s’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, ils devraient aussi démissionner. A situation égale, traitement égal», estime Elimane Pouye.
Selon ce dernier, chaque fonctionnaire a le droit de militer dans la formation politique de son choix, mais les combats politiques «ne doivent pas être transposés dans l’administration».
La presse sénégalaise fait le parallèle entre la suspension de l’inspecteur Sonko et le limogeage de Nafi Ngom Keïta de l’OFNAC. Pour beaucoup de commentateurs, Mme Keïta et Sonko paient pour leur indépendance et leur capacité à tenir tête à l’autorité.
«C’est le réveil du lion qui dort», écrivent certains journaux, faisant allusion aux propos de Macky Sall qui, lors de l’inauguration du pont de l’émergence, ce week-end, dans une attaque destinée à l’opposition, demandait à cette dernière de «ne pas réveiller un lion qui dort». Entendez par là que cette dernière n’avait pas intérêt à le provoquer, lui le lion, parce qu’il est, politiquement parlant, plus fort que tous ses opposants.
Depuis lors, cette expression (le lion qui dort) est entrée dans le vocabulaire des journaux et suscite la raillerie des opposants. L’inspecteur Sonko, leader d’une petite formation politique (PASTEF), avait d’ailleurs déclaré, à la suite des propos présidentiels, qu’«un lion qui dort, ça veut dire qu’il a le ventre plein et qu’il est inoffensif».
Mais plus que ces éléments de langages, Sonko paie au plus fort ses révélations fracassantes, ces dernières semaines, notamment sur l’ardoise fiscale des députés qui, selon lui, devraient 2,7 milliards de FCFA au fisc. Des allégations démenties par la suite par le ministre de l’Economie et des finances… devant les députés.
D’ailleurs, après ces révélations, qui avaient mises l’institution parlementaire dans l’embarras, Moustapha Diakhaté, le président du groupe parlementaire de la majorité, avait réclamé le limogeage de l’inspecteur Sonko. Visiblement, le ministère de l’Economie et des finances vient d’accéder à cette demande. Même si le concerné déclare n’avoir connaissance d’une faute professionnelle qu’il aurait commise.