Sénégal: voilà l'e-cfa, la devise électronique qui pourrait sonner la fin du billet de banque

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Le 12/01/2017 à 15h16, mis à jour le 12/01/2017 à 15h20

A partir de ce jeudi 12 janvier 2017, la monnaie électronique e-cfa devient une réalité au Sénégal. Cette devise numérique, qui sera en vigueur dans tout l’espace UEMOA, est émise par la BCEAO, la banque centrale régionale. Si son succès se confirme, elle sera étendue aux autres pays de la zone.

C'est officiel depuis ce matin du jeudi 12 janvier, l'e-cfa fait partie des monnaies ayant cours légal au Sénégal, au même titre que sa devise soeur, le franc CFA. Cette nouvelle devise électronique est valable sur toutes les plateformes de paiement électronique et pourra transiter aussi bien par les ordinateurs, les tablettes que les téléphones portables. Les commerçants possédant un terminal adéquat pourront ainsi accepter le paiement via l'e-cfa ou payer eux-mêmes leurs fournisseurs. En somme, si cette monnaie électronique est acceptée par un grand nombre, ce sera la fin progressive du billet de banque physique. Mais pour l'heure on n'en est qu'au stade expérimental. 

Cette monnaie a été initiée par Jonathan Dharmapalann, ancien d'Ernest & Young et fondateur d’e-CurrencyMint limited. Ayant son siège en Irlande, la startup a mis en place l’e-cfa, en collaboration avec la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest. (BCEAO). Tout de même, cette monnaie numérique n’est pas à comparer avec le bitcoin, la première devise numérique. Sa spécificité vient du fait qu’elle est lancée par une banque centrale.

«Il s’agit d’un billet numérique qui peut s’échanger comme un billet physique émis par une banque centrale, explique Jonathan Dharmapalan. Pour réaliser une transaction, vous pouvez débiter un compte bancaire et en créditer un autre, ou bien échanger physiquement un billet de 10 dollars ou 10 euros qui passera de votre main à la mienne. Nous avons créé une technologie qui permet cet échange-là de manière numérique.»

Monnaie sécurisée...

Afin de déjouer l’émission de faux billets, un filigrane est incorporé dans les billets physiques. Quand aux billets e-cfa, ils sont numériquement sécurisés par un code cryptographique.

"C’est une très bonne chose", se réjouit Serigne Diakhoumpa, du Fonds souverain des investissements stratégiques du Sénégal. "Cette technologie est une révolution contre la fraude. Aujourd’hui, la monnaie électronique va nous aider à mieux maîtriser les transactions financières pour lutter contre la corruption. Je prends toujours l’exemple du Rwanda, où même la petite vendeuse du coin a un terminal électronique. Plus besoin aujourd’hui d’avoir des billets et des pièces dans votre poche, vous faites la transaction avec des machines, or les machines ne peuvent pas vous demander de payer des choses qui ne sont pas dues. Bien sûr, l’informatique peut être piratée, mais toutes les transactions sont quand même tracées.»

Mais pas invulnérable

Cependant, la prudence doit être de mise du côté de la BCEAO. En effet, l’Institut d’étude de la finance numérique, Helix, a tout récemment sorti un rapport sur la fraude dans le «mobil money», un moyen de transférer de l’argent de portable à portable. L’institut attire l’attention sur le fait que cette fraude est adaptable à tous les systèmes financiers. «L’élimination progressive des billets physiques ne permet pas d’y échapper à 100%», soutient Elisabeth Berthe, directrice adjointe du réseau Hélix.

«Leur technologie à l’origine est assez sûre, mais dès qu’on ajoute des niveaux, des systèmes en plus, cela ouvre des vulnérabilités. Ces six derniers mois, on a vu deux bons exemples de monnaies numériques fiables qui ont été attaquées et ont perdu beaucoup. En août dernier, le bitcoin a perdu 75 millions de dollars et près de 20 % de sa valeur, et son concurrent, Ether, a perdu 50 millions de dollars, à cause d’une vulnérabilité dans leur code», a-t-elle poursuivi.

Mais, pour l'heure ce n'est pas ce qui arrête la BCEAO qui fait du Sénégal le deuxième pays africain, après la Tunisie avec son e-dinar, à avoir lancé sa monnaie numérique. L’Afrique est ainsi au devant de la scène mondiale en matière de monnaie numérique. D’autres pays comme Singapour, la Chine, la Suède entendent emboiter le pas aux pays de la zone UEMOA.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 12/01/2017 à 15h16, mis à jour le 12/01/2017 à 15h20