Sénégal: l'ex-président Wade attrait devant le conseil de discipline de l'ordre des avocats

Après avoir défendu son fils Karim (à g.), Me Abdoulaye Wade (à dr.) se fait l'avocat de l'Etat du Sénégal.

Après avoir défendu son fils Karim (à g.), Me Abdoulaye Wade (à dr.) se fait l'avocat de l'Etat du Sénégal. . DR

Le 17/10/2017 à 11h14, mis à jour le 17/10/2017 à 11h23

Pour avoir traité "d’escrocs" les avocats de l’État dans l'affaire Karim Wade, Me Abdoulaye Wade risque d'être traduit devant le conseil de discipline de l'ordre des avocats.

Dans les annales de l'histoire judiciaire du Sénégal, c'est une situation qui ne s'est jamais présentée. Mais avec Abdoulaye Wade, il faut décidément s'attendre à tout. En effet, l'ex-chef de l'État et bâtonnier d'honneur de son état, fera bel et bien face à l'ordre des avocats dont il est sans doute le membre le plus âgé.

Après avoir traité "d’escrocs" les avocats qui réclament à l’État du Sénégal leurs honoraires dans l'affaire Karim Wade, il s’est attiré les foudres de ses collègues. Il faut dire que la facture présentée à l'agence judiciaire de l'Etat est assez lourde, bien qu'elle soit conforme au contrat qui lie les 11 avocats à l'État dans cette affaire. Rappelons que Karim Wade est accusé par l'État d'avoir détourné des fonds alors qu'il dirigeait l'ANECI, organisatrice de l'OCI à Dakar en 2008.

Chacun des avocats a droit à 2% des 60 milliards de Fcfa recouvrés dans cette traque des biens mal-acquis. Cela représente un pactole de 13,2 milliards de Fcfa, somme que refuse désormais de payer l'État. Le Palais s'est même impliqué dans ce désaccord et aurait organisé une réunion de conciliation. Le président Macky aurait expliqué aux avocats que les Sénégalais ne comprendraient pas que les avocats de l'État récupèrent autant d'argent. Sa contre-proposition porte sur la somme de 750 millions de Fcfa par avocat, soit près de 60% de ce que réclame le collectif. Ils ont dit niet. 

Maître Wade défend Macky Sall

À l’occasion d’une de ses sorties, l’ex-président de la République avait défendu son successeur contre les avocats de l’État. Abdoulaye Wade avait même adressé une note à Macky Sall, lui recommandant ainsi de poursuivre ces mêmes avocats qui réclament des honoraires dans le dossier Karim Wade. Selon cette note, les robes noires devraient être traînées devant la justice pour "tentative d’escroquerie et enrichissement illicite".

"Vraiment c’est le monde à l’envers. Les avocats de l’État réclameraient 2% des 60 milliards de francs Cfa qu’ils auraient gagnés pour l’État sur les 694 milliards promis, en exécution d’une convention d’honoraires signée par les deux parties", s’était-il indigné.

En spécialiste du droit, maître Wade avait aussi souligné que "le gain allégué concerne des biens concrets appartenant à d’autres personnes dont la propriété a été imputée arbitrairement à Karim Wade et non de numéraire récupéré comme promis. Ces biens seront tôt ou tard rendus à leurs propriétaires légitimes puisque les procès contre l’État du Sénégal se poursuivent à l’étranger et qu’au finish, ces innocents auront tous gain de cause". 

Selon le bâtonnier de l’ordre des avocats, Maître Mbaye Guèye, les avocats de l’État sont venus se plaindre auprès de lui. Pour ainsi répondre à la demande de ces derniers, il (Abdoulaye Wade, NDLR) fera face au conseil de l’ordre des avocats en novembre prochain.

"Le président Wade, avec le respect qu’on lui doit, n'avait pas à traîter ses confrères de la sorte. En le faisant, il a violé les règles du Conseil. Parce qu’il est toujours inscrit au barreau comme avocat à titre honoraire, il ne peut se comporter de la sorte envers ses confrères", a-t-il soutenu.

Les membres du conseil de l’ordre des avocats statueront donc pour savoir si Me Abdoulaye mérite, ou pas, de passer devant le conseil de discipline des avocats. Et Maître Mbaye Guèye de déclarer: "Un avocat ne peut pas publiquement traiter d’escroc un confrère qui ne fait que réclamer ses honoraires".

Le bâtonnier semble ainsi prendre le parti de ses collègues. "Dans cette affaire, on a payé deux ou trois fois plus les avocats français", a-t-il poursuivi.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 17/10/2017 à 11h14, mis à jour le 17/10/2017 à 11h23