Vidéo. Casamance: un rescapé: "ils nous ont allongés, ont tiré, beaucoup sont morts"

DR

Le 08/01/2018 à 17h33, mis à jour le 08/01/2018 à 19h11

VidéoSamedi 6 janvier, la Casamance a vécu l'horreur avec l'exécution de 13 civils à quelques kilomètres de la ville de Ziguinchor. Amadou Diallo, l'un des 7 rescapés, explique les circonstances de cette barbarie.

Alors que depuis quatre ans, la Casamance connaît une accalmie, l'horreur de ce samedi 6 janvier est venue lui rappeler la triste réalité qui est la sienne depuis 1981, l'année du déclenchement de la rébellion armée. En effet, 13 jeunes ont été tués dans des circonstances troubles, mais il semble que tout a été planifié et que les victimes ont été froidement exécutées, d'après le récit d'un des rescapés, recueilli sur son lit d'hôpital à Ziguinchor, la capitale de la Casamance. En somme, il s'agit d'un crime de guerre. 

"L’ordre nous a été donné de poser nos vélos puis d’enlever nos chaussures. Nous avons obéi, avant qu’on nous demande de nous coucher en formant une file et ils se sont mis à tirer. C'est là que plusieurs d'entre nous sont morts", explique Amadou Diallo, l'un des rescapés actuellement en soin à l'hôpital régional de Ziguinchor. L'homme, qui exerce l'activité de bûcheron, "coupeur de bois" dans le jargon local, doit son salut au hasard. Lui et 6 autres personnes s'en sont sortis avec des blessures. 

"Nous (les survivants), nous avons attendu qu’ils partent pour nous lever, marcher longtemps dans la forêt et aller vers la route pour prendre un taxi et rejoindre Ziguinchor", explique-t-il. Selon Diallo, les auteurs de cette tuerie n'ont pas pris la peine de vérifier que toutes les victimes étaient mortes. 

Tout prouve qu'ils avaient planifié leur acte. "On est allé dans la forêt vers 8 heures et c’est là que nous avons été capturés par des hommes qui s'y trouvaient probablement depuis la veille au soir", raconte le même témoin. "Dès que je suis arrivé, deux hommes sont sortis du bois et m’ont donné l’ordre de continuer à avancer. Ils nous ont retiré nos portables et ont pris nos pièces d'identité", explique-t-il. Les hommes armés avaient déjà attrapé beaucoup d'autres hommes. Ils ont continué ainsi jusqu'à 11 heures, interpellant tous les coupeurs de bois qui s'aventuraient dans les parages. 

C'est quand ils ont eu rassemblé une vingtaine d'individus qu'ils leur ont demandé d'enlever leurs chaussures et de s'allonger avant que débute le massacre. 

Aujourd'hui, les questions se posent et tout le monde cherche une réponse. Evidemment, les regards se tournent vers les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), dont la branche dirigée par César Atoute Badiata contrôle la zone où les exactions ont eu lieu. Abdourahmane Diallo, un confrère sénégalais travaillant pour la télévision SenTv, joint au téléphone, nous explique que dans la zone, rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît. Le MFDC est composé de différentes factions et certaines sont même rivales. Evidemment, nul n'ira jusqu'à affirmer que les coupeurs de bois sont des victimes colatérales d'une lutte d'influence entre clans rivaux du mouvement indépendantiste.

D'ailleurs, sur les ondes des radios sénégalaises, Omar Ampoye Bodian, l'un des porte-paroles du MFDC, a déploré la barbarie et a promis de faire une enquête en interne pour punir les auteurs de ces faits. Dans cette fôret où tout se sait, cette déclaration sonne comme un aveu de la part des indépendantistes.

Mais alors une question demeure, celle de savoir pourquoi une telle tuerie? S'agit-il d'une coïncidence avec l'appel du président sénégalais Macky Sall à "une paix des braves, sans vainqueurs, ni vaincus", dans son discours du 31 décembre? Beaucoup évitent de faire le lien. "Le Président Macky Sall a de tout temps demandé l'instauration d'une paix durable en Casamance", explique Abdourahmane Diallo. Pourtant, on ne peut s'empêcher de formuler l'hypothèse d'une action menée pour se positionner en tant qu'acteur majeur de ce conflit afin de ne pas être oublié au moment des ultimes négociations. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 08/01/2018 à 17h33, mis à jour le 08/01/2018 à 19h11