Sénégal. Covid-19: face à une pandémie hors de contrôle, l'État baisse les bras

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Le 13/05/2020 à 14h50, mis à jour le 13/05/2020 à 15h37

Le discours du président Macky Sall, lundi 11 mai, a été mal perçu par beaucoup de ses compatriotes qui y ont vu une manière d'annoncer qu'il se lavait les mains d'une situation pourtant critique. En effet, la pandémie prend une trajectoire inquiétante.

Pour beaucoup de Sénégalais, la décision du président Macky Sall de rouvrir les mosquées et de demander aux élèves de reprendre le chemin des classes, le 2 juin prochain, est une manière d’abdiquer, au moment où la guerre contre le nouveau coronavirus est supposée être à son paroxysme.

Dans son discours du lundi, contre toute attente, Macky Sall a également annulé l’interdiction de rapatrier les corps des Sénégalais décédés à l’étranger, alors même que la Cour suprême avait donné raison au ministère des Affaires étrangères qui s'y opposait. Un terrible cafouillage entre l’Exécutif et le judiciaire , puisque par élégance républicaine, le premier n’est pas censé récuser l’autre.

"Le Président Macky Sall, le chef de la guerre contre le coronavirus –fort de la loi d’habilitation et blindé par l’état d’urgence– ordonne un repli identique à une capitulation", analyse Babacar Justin Ndiaye, le plus célèbre politologue du pays.

Et de poser alors la question de savoir si "la ligne de crête est intenable ou non, sous les feux nourris d’une canonnade de religieux bien embusqués sur les minarets". Interrogation à laquelle il répond: "Manifestement: oui".

"Dans la foulée du demi-tour, l’Etat remet ses armes et ses armoiries à la Mosquée, ouvre un boulevard à la maladie et, in fine, installe le pays dans une situation kafkaïenne", regrette-t-il.

Pour sa part, Ibrahima Sène, membre du Bureau exécutif du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), ce sont les salafistes qui sont à l’origine de la pression sur le gouvernement au point de faire infléchir le président Macky Sall.

"Ils ont donc su manœuvrer dans les coulisses auprès de leurs collègues imams, en exploitant abusivement leur fibre musulmane, pour les faire monter au front afin d'obtenir l'ouverture des mosquées, même s'il faut qu'ils se démarquent des consignes de leurs guides confrériques", écrit-il sur sa page Facebook.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup trouvent qu’il est prématuré d’avoir baissé la garde face à cette maladie, surtout au moment où elle suit une pente exponentielle. En effet, depuis quelques jours, le Sénégal enregistre quotidiennement plus de 100 nouveaux cas. Le pic a même été atteint, le jour où le président Macky Sall s’adressait à la Nation, avec 177 contaminations.

Aujourd’hui, le Sénégal compte 2.105 cas d'infection au Covid-19 et est le neuvième pays le plus touché du continent. Certes, il ne compte que 21 décès pour le moment, ce qui correspond à une mortalité de 1% des cas confirmés. Néanmoins, tout le monde s’inquiète des conséquences des récentes décisions prises par le gouvernement.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 13/05/2020 à 14h50, mis à jour le 13/05/2020 à 15h37