Sénégal. motos-taxis: ces cercueils ambulants qui pallient le chômage des jeunes

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Le 02/02/2017 à 19h35, mis à jour le 03/02/2017 à 06h54

Plus de 60% des accidents en milieu urbain sont causés par les motos-taxis. Depuis leur avènement, les victimes qui perdent la vie se comptent par centaines. Le phénomène est tel qu'à l'hôpital de Thiès, une salle de soin entière leur est réservée, la salle "Jakarta".

Plusieurs centaines de morts par accident sont comptées chaque année au Sénégal auxquelles s'ajoutent des milliers de blessés en tous genres. Sur 100 interventions des sapeurs pompiers de Thiès, 60 sont causées par les motos-taxis encore appelés "Jakarta", du nom de la capitale indonésienne d'où provient la principale marque de moto distribuée au Sénégal. Le phénomène est devenu un véritable problème de santé publique. L’inquiétude monte chez les pères et les mères de famille, alors que les autorités urbaines réfléchissent à des solutions pour mieux sécuriser à la fois les conducteurs et les clients transportés.

Seule Dakar, la capitale sénégalaise échappe à ce type transport. Dans les régions, les motos Jakarta ont été adoptées depuis plusieurs années par les populations de Thiès (70 km de Dakar), Kaolack (190 km au Sud-est), Diourbel (170 km à l’Est) et d’autres villes du Sénégal. A moins de 250 Fcfa, soit 40 centimes d’euros, le client peut se rendre d’un bout à l’autre de chacune de ces villes.

Le prix est modeste certes, mais la plupart des jeunes conducteurs y trouvent leur compte. Par conséquent c’est un vrai palliatif contre le chômage des jeunes. Sauf que cela coûte cher, aussi bien aux compagnies d’assurances qu’en vie humaines.

Une salle de soins dédiée aux "Jakartas" à l'hôpital

En 2016, les sapeurs-pompiers de Thiès ont procédé, au total, à 92 interventions suite à des accidents causés par des conducteurs de motos-taxis. 4 personnes ont perdu la vie. Le rythme va crescendo depuis décembre dernier. A chaque fois, les "Jakartas" sont pointés du doigt. Conduite sans casque, surcharge à trois ou quatre e inconscience des jeunes conducteurs sidèrent les sapeurs-pompiers. «Pas moins de 7 interventions sont réalisées quotidiennement par nos hommes, dans des accidents causés par des taxis-Jakarta», explique Samba Boye, officier de la brigade de sapeurs-pompiers de Thiès.

Le constat est le même au Centre hospitalier Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès où une salle appelée «Salle Jakarta» est réservée aux victimes d’accidents en motos-taxis. Ils sont généralement âgées de 16 à 23 ans. Certains conducteurs n’ont même pas l’âge requis pour prétendre à un permis de conduire. Pire encore, ils n'ont ni carte grise ni assurance. Du coup, les accidentés ne peuvent pas prétendre à une couverture. «La quasi-totalité des jeunes qui conduisent les moto-Jakarta n’ont pas atteint l’âge de la majorité et font preuve d’indiscipline sur la route», se désole le même officier. Mais les autorités tardent à régulariser ce mode de transport urbain et à prendre des mesures à l’encontre des conducteurs de Jakarta.

Renforcer le parc de bus

Depuis quelques mois, la brigade routière de Thiès multiplie les patrouilles de nuit pour arrêter les conducteurs de Jakarta et mettre à la fourrière les machines. En effet, les motos-taxis sont interdites de circulation à partir de 20 heures car les plaintes contre les conducteurs de ces engins sont nombreuses. Ils sont quelquefois impliqués dans des actes de vol à l’arrachée et des agressions.

Dans un premier temps, les autorités avaient pensé à interdire le transport urbain par motos-taxis. Mais ce serait en même temps ôter aux jeunes conducteurs leur seule source de revenus. Une telle décision pourrait également les pousser à travailler dans la clandestinité, ce qui les rendrait difficiles à contrôler.

Ainsi l’une des solutions envisagées par la gouvernance de Thiès, en collaboration avec la mairie de la ville et les transporteurs, est d’augmenter le parc de minibus destinés au transport urbain. Les autocars sont à la fois plus sûrs et moins coûteux. «La solution la plus pragmatique est de proposer aux populations d’autres moyens de transport. Et en milieu urbain, les bus semblent une bonne alternative», préconise Amadou Ly, gouverneur de la région.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 02/02/2017 à 19h35, mis à jour le 03/02/2017 à 06h54