A l’heure où les anciens «tirailleurs sénégalais» sont accueillis en héros au palais de l’Elysée et ont reçu la nationalité française, le Sénégal n’a toujours pas donné au capitaine Mbaye Diagne une reconnaissance à la hauteur de ses actes héroïques au Rwanda.
Pour réparer cette injustice, des Sénégalais du pays et de la diaspora ont ainsi lancé une pétition adressée au Président Macky Sall pour que l’une des rues de Dakar lsoit baptisée en son nom et mémoire..
Le capitaine Mbaye Diagne faisait partie des militaires sénégalais envoyés par l’Organisation des nations unies (ONU), en mission d’observation au Rwanda en 1994. Grâce à ses exploits, ce capitaine sénégalais est passé de simple observateur à celui de héros au Rwanda.
Agé de 36 ans, armé de sa seule bravoure, le capitaine est parvenu à sauver plus de 1.000 civils tutsi et hutus du génocide rwandais qui a fait plus de 800.000 morts en quelques semaines.
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En reconnaissance de cette bravoure, le président Paul Kagamé lui a decerné, à titre posthume, en 2010, le Prix Umurinzi, symbolisant le service rendu au peuple rwandais par ce capitaine. «Pour votre bravoure et votre sacrifice pendant le génocide de 1994, et pour montrer au monde la vraie signification de l’Ubuntu africain, le peuple rwandais vous sera toujours redevable», avait affirmé Paul Kagamé à madame Yacine Mar Diop, la veuve du capitaine Mbaye Diagne, en présence de ses deux enfants.
Egalement en octobre 2014, en Italie, le Jardin des Justes du monde de Padoue lui a rendu un vibrant hommage. A l’occasion du 17e anniversaire du génocide rwandais, le capitaine Mbaye Diagne a été honoré à titre posthume par Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat américaine.
Un militaire au grand cœur, un capitaine exemplaire
Au moment où la communauté internationale faisait la sourde oreille à l’appel des civils rwandais menacés de génocide, en 1994, Mbaye Diagne, ce capitaine humaniste, armé de sa seule bravoure, multipliait ses missions de sauvetage à haut risque. Ignorant les exactions des nombreux miliciens, il n’hésitait jamais à ramener des civils innocents, et menacés de mort, dans les camps de l’ONU.
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Il faut reconnaitre que la mission des Casques bleus, qui ne se limitait qu’à une mission d’observation, ne lui facilitait pas la tâche. «Nous n’avions même pas droit à un couteau», a rappelé le colonel Mamadou Sarr qui était aussi en mission à cette époque au Rwanda. «On n'avait que la parole pour venir en aide aux civils», a-t-il expliqué.
Ces propos sont aussi relayés par Linda Melvern. «Mbaye Diagne était maître dans l’art de négocier», a témoigné la journaliste britannique, auteur de plusieurs ouvrages sur le génocide rwandais de 1994.
Grâce à ses talents de négociateur entre les partisans du gouvernement rwandais de l’époque et les insurgés du Front patriotique rwandais, il a été à l’origine de plusieurs échanges de prisonniers. Il lui arrivait également de mener des missions individuelles.
Sentant le danger qui guettait Agathe Uwilingiyimana, le Premier ministre intérimaire rwandais, Mbaye Diagne n’a pas hésité à se proposer comme volontaire pour essayer de le sauver. Il n’a pas pu empêcher son assassinat par la garde présidentielle envoyée par les extrémistes hutus. Cependant, les cinq enfants du Premier ministre ont tous été sauvés par Mbaye Diagne qui les a conduits à l’hôtel des Milles Collines de Kigali.
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Le capitaine avait fait le bon choix, car cet hôtel était le seul endroit où les enfants pouvaient être en sécurité. Et au retour des soldats qui réclamaient les enfants d’Agathe Uwilingiyimana, le capitaine Mbaye Diagne a négocié avec eux, et a favorisé par la suite leur évacuation en Suisse.
Solitaire la nuit et samaritain le jour
Le témoignage de Roméo Dallaire, général canadien, ancien commandant en chef de la Mission de Nations-Unis au Rwanda (Minuar) atteste de la bravoure du Capitaine Mbaye Diagne. «Il était le plus courageux de tous», a-t-il témoigné. Les journalistes, les militaires et les ONG s’accordent aussi à faire le même témoignage. «La nuit, il parlait seul. Et au matin, on le retrouvait au stade Amahoro, avec les Casques bleus, pour protéger de nouveaux réfugiés qu’il était parvenu à arracher à la mort», avait soutenu l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, en avril 2014, à l’occasion du 20e anniversaire du génocide rwandais.
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Malheureusement, le capitaine Mbaye Diagne, un homme qui aura marqué toutes les personnes qui ont croisé son chemin, qui ont servi avec lui dans l’armée, a perdu la vie, au cours de l’une de ses missions.
Après avoir sauvé plus d’un millier de Rwandais d’une mort certaine, il sera touché dans sa voiture, par un éclat de mortier tiré, selon les témoins, par les miliciens du Front patriotique rwandais.
Pour que son nom soit gravé à jamais dans les annales de l’histoire comme tous les illustres fils de l’Afrique, des citoyens au Sénégal et de la diaspora invitent les Sénégalais à signer une pétition pour demander à ce qu'une rue immortalise à jamais les actes du capitaine Mbaye Diagne. Elle est directement adressée au Président Macky Sall.