Héros au Rwanda, méconnu au Sénégal, le capitaine Mbaye Diagne a été célébré ce dimanche 7 avril par le président Paul Kagamé. Le chef de l’Etat rwandais a profité de la commémoration du 25e anniversaire de la guerre civile rwandaise pour citer nommément ce capitaine sénégalais qui avait empêché le massacre de plusieurs centaines de citoyens.
Présent à Kigali comme observateur militaire de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), ce capitaine de l'armée sénégalais est, selon le président Kagamé, «un héros qui a rendu un service inoubliable au Rwanda». Notons toutefois que ce n’est pas la première fois que le Rwanda rend hommage à ce héros, de la guerre civile rwandaise qui a empêché plus de 600 Hutus et Tutsis modérés de faire partie des 800.000 victimes du génocide qui a eu lieu en1994. Avant d'être par un obus perdu qui a explosé près de sa voiture, le 31 mai de la même année,
Lire aussi : Rwanda: commémoration du 25e anniversaire du génocide qui a fait plus 800 000 morts
En 2010, le président Kagamé avait remis à sa veuve le prix Umurinzi. «Pour votre bravoure et votre sacrifice pendant le génocide de 1994, et pour montrer au monde la vraie signification de l’Ubuntu africain, le peuple rwandais vous sera toujours redevable et reconnaissant», avait-il dit à l’époque.
L’ONU s’était aussi, le 19 mai 2016, souvenue du défunt Casque bleu en remettant à sa veuve, Mme Yacine Mar Diop, «la Médaille capitaine Mbaye Diagne pour courage exceptionnel». Cette décoration lui a été remise par l’ex-secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en prélude à la journée de Casques bleus qui allait être célébrée le 27 mai 2016.
Un bon père de famille
Yacine Mar Diop Diagne, veuve du capitaine Mbaye, décrit son défunt mari comme un père de famille qui s’occupait bien des siens. Dans une interview avec Rfi, elle se souvient des derniers moments qu’elle a partagés avec son défunt compagnon.
«Je me souviens du moment lorsqu’il a dû partir au Rwanda. Il avait tout acheté au marché pour faire un bon dîner. Il nous faisait rire. Tout le temps. Puis il a dû partir vers l’aéroport. J’ai voulu l’accompagner, mais il m’a dit: «Non, Madame, tu restes ici.» Il a quitté la maison sans se retourner. C’est le dernier souvenir que je garde de lui», raconte-t-elle.
Lire aussi : France-Rwanda: Macron ouvre les archives du génocide à des chercheurs
Ses frères d’armes qui faisaient partie de la mission de Nations-Unies au Rwanda dressent aussi le portrait d’un homme généreux et enthousiaste. Actuellement à la retraite, le colonel Mamadou Athie qui a servi avec Mbaye Diagne comme capitaine, garde aussi de bons souvenirs de lui.
«Mbaye Diagne était toujours là pour les moments difficiles quand on était à Base, à Guissény, puis à Kigali. Toujours là pour amener la joie et la cohésion autour de lui. Il était sérieux aussi dans ce qu’il entreprend. Je l’ai appelé le "Soldat stratégique". Le soldat qui est capable de faire la différence entre le combattant, le réfugié et le négociateur», rappelle-t-il
Un capitaine courage au grand cœur
Les qualités que lui témoignent ses compagnons d’’armes lui ont permis de sauver la vie de centaines de citoyens rwandais. Même si le nombre est difficile à déterminé, le journaliste de la BBC, Mark Doyle, qui cite le département d’Etat américain, précise que le capitaine Diagne a permis à près de 600 Tutsis et Hutus modérés d’avoir la vie sauve. Il les avait par la suite acheminés à l’Hôtel des Milles Collines où ils étaient à l’abri des génocidaires.
S’agissant du respect des ordres donnés par ses supérieurs, le colonel Mamadou Athie soutient que «Mbaye Diagne respectait sa hiérarchie. Mais il n’hésitait pas à aller au-devant pour gagner en efficacité. Par exemple, un jour, il a fait interrompre le décollage d’un avion afin d’y transporter plus de réfugiés.»
Lire aussi : Rwanda: au coeur de l'équipe des traqueurs des responsables du génocide rwandais
Mais avec tous les risques qu’il prenait pour sauver des vies, le capitaine Mbaye Diagne était quelque peu exposé. Un obus tiré au niveau d’un point de passage dans la zone contrôlée par le gouvernement vient terminer sa course sur sa voiture. Le capitaine est alors mort sur place.
Un héros ignoré de ses compatriotes
Malgré les nombreuses distinctions obtenues à titre posthume, le capitaine Mbaye Diagne reste méconnu au Sénégal. Il n’existe, pour le moment, pas d’avenue ou d’édifices baptisé à son nom. Seul le musée des forces armées lui a rendu un petit hommage en baptisant une petite salle au nom du capitaine.
Mais selon la hiérarchie militaire, les procédures sont longues mais Mbaye Diagne finira par recevoir les honneurs qu’il mérite. Selon le colonel Mandicou Guèye, directeur du musée des forces armées, interrogé par Rfi, «Mbaye Diagne est un militaire exemplaire. [...] Mais tout le processus prend du temps».
Quant à sa veuve, Yacine Mar Diop, elle rêve de voir l’histoire de son mari racontée dans les manuels scolaires parce que, dit-elle, «son attitude et son courage sur le terrain doivent inspirer les jeunes».