A Dakar, les immeubles poussent comme des champignons. Derrière ce boom de l’immobilier se cache un business florissant. Or, les bailleurs veulent un retour sur investissement dans les meilleurs délais, au point d'écarter leurs propres compatriotes.
Selon de nombreux témoignages, les propriétaires n’hésitent plus à exiger des agences immobilières gérant leurs biens immobiliers de ne louer qu’à des étrangers.
Interrogé sur la questions, Moussa Diallo, un jeune de 36 ans, gérant de Sogacos, une agence qui compte à son actif plus de dix immeubles à Dakar, fait savoir que "c’est parce qu’ils ont moins de problèmes avec les étrangers, qui non seulement respectent les délais de paiement, mais rendent souvent les appartements sans trop de dégâts".
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A la question de savoir s'ils ont ou non le droit d'ostraciser les Sénégalais dans leur propre pays, il répond "qu’aucune loi ne l’interdit et que le propriétaire a le droit de préserver son bien".
Si cette nouvelle méthode de gérance fait l’affaire des bailleurs, elle discrimine lourdement les citoyens sénégalais à la recherche de logements. C’est le cas de Pape Alassane Sy, jeune fonctionnaire des Impôts et domaines, qui raconte son calvaire avec beaucoup d’amertume.
"Je venais d’être affectée à Dakar et il me fallait un studio,. Seulement presque toutes les annonces reçues portaient la mention "ne loue qu'à des étrangers’’". Il se demande "s’il existe encore un patriotisme dans ce pays". Il dénonce surtout l’Etat qui ne prend pas suffisamment de dispositions pour protéger les consommateurs sur cette question cruciales du logement.
Pape Alassane Sy affirme n'avoir "réussi à trouver un logement qu'après plusieurs jours d’intenses recherches". ‘’Le Sénégal est en train de basculer dangereusement vers une situation incontrôlable avec non seulement la cherté des prix du loyer, mais aussi avec cette nouvelle tendance qui favorise les étrangers’’, commente le jeune fonctionnaire.
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Et pourtant la loi est claire sur la question: un propriétaire bailleur qui recherche un nouveau locataire ne peut pas rédiger son annonce comme il l’entend. Plus précisément, il n’est pas en droit de spécifier qu’il réserve la location à un public particulier. «Fonctionnaires uniquement», «couples sans enfants uniquement» … sont par exemple des termes à proscrire, selon Momath Cissé, vice-président de l’association des consommateurs.
Seulement, poursuit-il, "au Sénégal, les consommateurs ne connaissent pas vraiment leurs droits, et certains jugent même inutile d’engager des procédures pour être rétablis dans leurs droits".
En espérant que l’Etat vienne mettre de l’ordre dans tout cela, les consommateurs sénégalais souffrent de cette injustice sans grand espoir. "Je vois mal l’Etat, qui est incapable de faire respecter la baisse des prix de la location qu'il avait fait voter en loi à l'Assemblée nationale, venir aujourd’hui exiger des bailleurs une équité dans la location", conclut-il.