Les soirs de combat, à Dakar, la chute d’un lutteur est célébrée par une immense clameur dans les quartiers. Comme un but marqué par l’équipe nationale dans les arrêts de jeu dans une finale de compétition internationale.
Hier, le combat entre Yékini et Lac de Guiers 2 n’a pas dérogé à cette règle. Il était 21h quand l’explosion de joie a raisonné dans mon quartier, informant du coup, même à ceux qui ne sont pas restés devant leurs téléviseurs qu’il y a eu chute. Mais cette fois-ci, le favori n’a pas gagné.
Après quatre ans d’absence, Yékini, l’ancien «roi des arènes» revêtait pour la première fois son «nguemb» depuis sa dernière et unique défaite face à Balla Gaye 2, en avril 2012, et avait à cœur d’ouvrir «une nouvelle ère dans (sa) carrière».
Avant ce soir d’avril 2012, Yékini restait sur 15 ans de domination sur l’arène. Hier, il avait à cœur d’effacer cette tâche noire et de relancer sa riche carrière. Mais à 42 ans, le natif de Bassoul, dans les Îles du Saloum, n’est plus cette terreur des arènes qui faisait fuir ses adversaires grâce à sa force physique et sa palette technique hors du commun, mais aussi de ses capacités mystiques, d’après certains -au Sénégal, la lutte est indissociable de ce côté mystique et folklorique-.
A la grande surprise des amateurs de lutte, Yékini donc s’est «noyé», hier, dans le Lac de Guiers, victime d’un placage éclair, même s’il a nettement dominé l’essentiel du combat. Pari manqué !
Avec cette deuxième chute consécutive de celui que les Sénégalais disaient qu’il était «invincible», une page s’est tournée dans l’arène.
Pour beaucoup de commentateurs de lutte, Yékini doit maintenant se rendre à l’évidence et tirer sa révérence. Pour de bon. Le mythe Yékini, qui était sérieusement écorné depuis 2012, s’est définitivement effondré, hier soir, sur la pelouse du stade Demba Diop de Dakar.
Mais malgré sa relative impopularité – Modou Lô et Balla Gaye 2, au palmarès moins impressionnant sont de loin les lutteurs les plus populaires dans l’arène –, Yékini restera le plus grand champion qu’ait connu l’arène sénégalaise ces trente-cinq dernières années et le plus titré.
Un éventuel retrait du grand champion n’entrainerait toutefois pas la mort de la lutte sénégalaise. La discipline garde une incroyable cote de popularité auprès de la masse, malgré une image un peu écornée ces dernières années. La lutte comme business est en crise, il est vrai, avec le retrait de plusieurs sponsors, qui ne souhaitent plus être associés à un sport violent, mais la lutte comme sport national et spécificité culturelle du Sénégal, a toujours un bel avenir.