Le phénomène de la migration clandestine des Algériens vers l’Europe ne faiblit pas. Bien au contraire. Cette fuite massive prend de l’ampleur avec son lot quotidien de morts lors de naufrages d’embarcations clandestines.
Dernier en date, le naufrage lundi 5 juin d’une embarcation au large des côtes de Tipaza (61 kilomètres à l’ouest d’Alger), transportant 28 personnes à son bord. Selon le témoignage de deux rescapés, l’embarcation a chaviré. Un premier bilan fait état de 4 morts et de 22 disparus. Parmi les corps sans vie, repêchés le jour même en fin d’après-midi, figurent celui d’une femme et de son bébé. Les recherches ont été lancées par les gardes côtes algériens afin de retrouver les personnes portées disparues.
Ce naufrage fait suite à un autre intervenu 48 heures auparavant dans la même zone lorsque les gardes côtes avaient sauvé 14 personnes dont la barque était tombée en panne au large des côtes algériennes.
L’augmentation du nombre de harraga au pays du pétrole et du gaz est un indicateur politique et social qui ne trompe pas sur le quotidien des Algériens, notamment les plus jeunes. D’après le sociologue algérien Nacer Djabi, «c’est même l’un des meilleurs indicateurs de la pression sociale».
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Dans ces embarcations de fortune et autres go-fast s’entassent pêle-mêle chômeurs qui ont perdu l’espoir de trouver un emploi, médecins, cadres, femmes avec enfants et personnes âgées. Certains candidats à l’immigration disent préférer «mourir en mer que de rester en Algérie».
Ils prennent la mer en quête d’une vie décente dans un climat de liberté. L’espoir d’une liberté s’est évaporé avec la fin du mouvement populaire du Hirak, durant lequel la ruée clandestine vers l’Europe s’était estompée.
Parmi les plus fortunés d’entre eux, certains n’hésitent pas à dépenser des sommes astronomiques allant jusqu’à plus de 800.000 dinars algériens, environ 5.000 euros, pour être sûrs d’arriver à destination, rapidement et dans des conditions plus sécurisées. Ce business de la migration clandestine génère plusieurs dizaines de millions d’euros au profit des réseaux de passeurs.
Quant aux moins nantis, ils réservent leurs places dans des embarcations de fortune en déboursant entre 200.000 et 300.000 dinars pour une traversée «bon marché» mais trop risquée. La période estivale est toujours est la plus propice aux départs de migrants, les conditions météo étant plus clémentes.
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Cette situation fait que les Algériens, y compris un nombre élevés de dirigeants politiques, n’ont qu’un seul objectif, quitter le pays. Seulement, ces derniers ont la possibilité d’obtenir plus facilement le visa sachant qu’ils ont souvent des résidences dans les pays européens.
D’ailleurs, l’ex-ambassadeurs français en Algérie, Xavier Driencourt, déclarait l’année dernière, dans un entretien avec l’AFP, suite à la sortie de son ouvrage L’énigme algérienne, fruit de huit années d’expérience à Alger, qu’«il n’y a qu’une chose qui les intéresse dans la relation avec la France, ce sont les visas».
Malgré les importantes ressources gazières et pétrolières du pays, les dirigeants du pays n’arrivent pas à impulser une dynamique économique à même de créer de la valeur ajoutée, de la croissance et de créer des emplois au profit de la jeunesse du pays. Et surtout donner de l’espoir à ce pays de 45 millions d’habitants, essentiellement jeunes.
En définitive, pour nombre d’entre eux, la migration clandestine reste la seule option possible. En 2021, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 14.000 clandestins algériens ont rejoint l’Espagne. Si la majorité des personnes qui prennent la mer arrivent à destination, beaucoup disparaissent aussi sans jamais être retrouvés.