Amnesty critique le Sénégal pour ses défaillances dans la gestion des «enfants talibés»

Des jeunes Talibs (élèves d'une école coranique) jouent le 20 mars 2014 sur l'avenue du Général Charles De Gaulle à Dakar. Le Sénégal ne parvient pas à protéger des milliers de garçons dans des internats islamiques contre la mendicité forcée et la torture aux mains de leurs enseignants.

Young Talibs (students at a Koranic school) play on March 20, 2014 on the avenue du General Charles De Gaulle in Dakar. Senegal is failing to protect thousands of boys in Islamic boarding schools from forced begging and torture at the hands of their teachers, a global human rights organisation said in a report released on Wednesday. At least 50,000 boys known as talibes -- the vast majority aged between four and 12 -- are forced to beg in Senegal's streets most of the day, every day, by often brutally abusive Koranic teachers known as marabouts, according to campaigners. AFP PHOTO / SEYLLOU (Photo by SEYLLOU / AFP)

Le 12/12/2022 à 07h34

Amnesty critique l’Etat du Sénégal pour ses défaillances dans la lutte contre les abus sur des élèves d’écoles coraniques et leur exploitation financière, dans un rapport publié lundi, appelant Dakar à des « actes forts » pour les protéger.

« Des dizaines de milliers d’enfants talibés (élèves des écoles coraniques communément appelées daaras) sont obligés de mendier » et « vivent dans des conditions insalubres et sont exposés à tous les dangers », affirme Amnesty International dans ce rapport.

Ils « doivent également faire face aux mauvais traitements de la part de certains maîtres coraniques ou de leurs assistants. Des maîtres coraniques ont confirmé à Amnesty International que la mise de chaînes aux pieds est une pratique courante et appliquée en particulier aux enfants fugueurs pour entraver leurs déplacements », dit l’ONG dans ce rapport.

En janvier 2022, un « talibé » âgé de 10 ans est mort de blessures au quartier Lansar de la ville sainte de Touba (centre), après avoir été bastonné par son maître coranique qui lui reprochait de ne pas avoir su sa leçon du jour, rapporte t-elle.

En l’absence de statistiques officielles, il est estimé qu’«il y a plus de 2.000 daaras à Dakar, avec un effectif de près de 200.000 talibés, dont 25% pratiqueraient la mendicité forcée, selon une cartographie de l’ONG Global Solidarity Initiative (GSI) publiée en 2018″, indique d’Amnesty. GSI est engagée notamment dans l’assistance des «enfants talibés».

Amnesty dénonce aussi «un système de traite d’êtres humains» basé sur un «recrutement dans le pays mais aussi au niveau sous-régional - des maîtres coraniques et enfants talibés étant issus de certains pays voisins comme la Gambie et la Guinée-Bissau».

«Les autorités sénégalaises doivent répondre à leurs obligations et prendre des mesures pour mettre fin aux violations des droits de certains enfants talibés», affirme t-elle.

«Le Sénégal s’est engagé à plusieurs reprises à mettre fin à la mendicité forcée des talibés et à améliorer les conditions de vie dans les daaras. Des efforts ont été faits mais ils restent insuffisants. Le gouvernement doit agir davantage sur cette problématique, en concertation avec tous les acteurs concernés», a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, citée dans le rapport

Les autorités sénégalaises ont plusieurs fois mené des opérations de retrait de la rue des enfants, dont les « talibés », diversement appréciées.

Le président Macky Sall, élu en 2012 puis réélu en 2019, avait réuni le 28 novembre dans la nouvelle ville de Diamniadio, près de Dakar les très influents maîtres coraniques, qui ont réclamé la libération de «dizaines» d’entre eux en prison à cause notamment d’affaires de moeurs.

Il leur a notamment promis un fonds pour appuyer les écoles coraniques, un meilleur traitement aux diplômés en langue arabe et la création d’un prix dédié à la récitation du Coran.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 12/12/2022 à 07h34