Côte d’Ivoire: à Adiaké, les mangroves rétrécissent, la sécurité alimentaire en sursis

La mangrove d'Adiaké menacée par l'homme.

Le 28/05/2024 à 10h55

VidéoDans le département d’Adiaké, la communauté de N’galwa se trouve aujourd’hui confrontée à une crise qui menace non seulement leur environnement, mais aussi leur sécurité alimentaire. La destruction des mangroves, écosystèmes essentiels à la vie marine et à la protection côtière, engendre des conséquences dévastatrices pour les populations locales.

Les mangroves, ces forêts d’arbres adaptés à l’eau salée, jouent un rôle crucial dans la régulation de l’écosystème côtier et servent de nurseries pour de nombreuses espèces de poissons et de crustacés, qui sont une source majeure de nourriture et de revenus pour les habitants de N’galwa. Autrefois, les pêcheurs ramenaient d’importantes prises pour nourrir leurs familles. Mais la pollution freine l’activité des villageois.

Ces zones sont menacées par des activités humaines telles que l’urbanisation et la coupe de bois pour faire de bois de chauffe.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, le pays compte 10.000 hectares de mangroves. «Mais il fut un temps où la Côte d’Ivoire avait deux fois plus de mangroves. Selon l’Évaluation des ressources forestières mondiales 2015 Global Forest Resources Assessment de la FAO, en 1990, ce pays d’Afrique de l’Ouest en comptait 20.000 hectares».

La destruction des mangroves de village a des répercussions directes sur la sécurité alimentaire: le manque de poisson frais sur le marché est remplacé par les surgelés en est un exemple. Les pêcheurs locaux font état de la diminution drastique des stocks des fruits de mer, ce qui affecte leur subsistance. «Les mangroves sont vitales pour la reproduction des poissons. Sans elles, nous perdons notre principale source de nourriture et de revenus», explique Kassé Michel, un pêcheur de la région.

Les femmes de la localité, qui dépendent également des produits de la lagune pour nourrir leurs familles, expriment leur inquiétude. «Avant, à n’importe quelle heure, il suffisait que l’on jette une canne à pêche dans la lagune pour repartir avec des poissons en quantité. Maintenant, ce n’est plus possible, et les prises sont de plus en plus rares, à peine que les poissons se perdent dans les filets. Cela est dû à la destruction des mangroves», déplore Moké Gnanda, présidente de l’association des femmes engagées dans la préservation de l’environnement.

Face à cette situation alarmante, les populations locales lancent un cri de cœur pour la restauration des mangroves. Des initiatives communautaires émergent pour replanter et protéger ces écosystèmes fragiles. «Nous devons agir maintenant pour sauver nos mangroves. A notre humble niveau, nous sensibilisons les habitants pour ne pas détruire les mangroves et discutons également avec les propriétaires terriens pour leur demander d’en prendre soin, en leur faisant comprendre qu’en les détruisant, on aura plus de poissons. Les services de pêche d’Adiaké font de même mais cela ne suffit pas. Et donc l’Etat gagnerait à sensibiliser les populations sur l’importance des mangroves», déclare Jacques Houra, opérateur économique de la localité.

Les efforts de reforestation incluent la plantation de jeunes palétuviers, arbres ou arbustes tropicaux, et la sensibilisation des populations locales sur l’importance des mangroves. Les organisations non-gouvernementales et les autorités locales sont également appelées à soutenir ces initiatives par des financements et des programmes éducatifs.

A ce titre, l’ONG internationale «Sauvons l’environnement», en accord avec les autorités ont offert en mars dernier des pépinières de mangrove à la localité pour reboiser ces écosystèmes, essentiels à la reproduction des poissons, ce qui contribuera à terme de permettre aux populations de retourner à la pêche, qui constitue rentrée d’argent pour la plupart.

L’appel de ces habitants doit résonner au-delà de leur communauté. Ils appellent à une mobilisation collective pour sauvegarder cet écosystème vital. «La destruction des mangroves ne concerne pas seulement que notre village. C’est une question qui touche tout Adiaké et partant, la Côte d’Ivoire et même au-delà à long terme. Nous avons tous une responsabilité dans cette lutte», déclare avec conviction Jacques Houra.

La restauration des mangroves à N’galwa est non seulement une question de survie écologique, mais aussi de justice sociale et économique pour une communauté dépendante de ces ressources naturelles.

Chaque nouvelle pousse de mangrove est une promesse de renaissance, pour que la lagune redevienne une alliée et une source de vie abondante pour les populations. Le cri de cœur des populations de cette localité est un appel à l’action pour la protection de ce patrimoine naturel et garantir la sécurité alimentaire des générations futures.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 28/05/2024 à 10h55