ls sont nombreux, les habitants à avoir subi les affres de l’opération d’urbanisation dans plusieurs communes d’Abidjan. Afin de laisser la place à de nouvelles infrastructures, mais aussi pour lutter contre le «désordre urbain», les destructions de quartiers dits à risque et la libération de sites publics illégalement occupés se sont multipliées dans la ville, laissant un goût amer chez les personnes impactées. Ces déguerpissements ont concerné les quartiers de Gesco, Banco et Boribana, le marché d’Abobo, le Port Bouet-abattoir, Adjamé village et plusieurs artères des communes d’Abidjan. Pour savoir ce qu’ils sont devenus, Le360 Afrique a effectué une immersion dans quelques-uns des sites évacués et des lieux de relogement précaire.
Aujourd’hui, en empruntant les boulevards Nangui Abrogoua et Agban village, en passant par la Cité Fairmont d’Adjamé, on a l’étrange impression que la commune se vide de ses habitants et visiteurs, tant les opérations d’évacuation ont laissé des traces. Certains des sites déguerpis présentent des réalités contrastées. D’un côté, des projets immobiliers de grande envergure prennent forme, comme la construction de nouveaux magasins et de gares routières, l’aménagement d’espaces verts et de parcs d’attractions, symboles d’une future capitale économique plus moderne.
Des projets modernes… et des terrains vagues
Dans certaines communes, certains anciens sites déguerpis sont transformés en parcs publics ou en places de loisirs, contribuant à embellir la ville. Des espaces verts ont été aménagés pour offrir aux Abidjanais des lieux de détente et de convivialité, même si ces projets demeurent rares par rapport à l’ampleur des déguerpissements.
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«Quand on prend le cas de la Cité Fairmont, il y a une gare routière en cours de construction là-bas, cela va libérer les emprises dans Adjamé. Et également dans le même prolongement au Banco, ce site autrefois occupé par le marché de mange, a été très bien aménagé. Il est devenu très beau, même si les travaux ne sont pas encore terminés. Les tourismes peuvent venir voir. C’est vraiment joli à voir!», explique avec fierté Youhan Bi Joël, résident d’Attécoubé.
Après les déguerpissements, l'aménagement des bordures des artères embellie la capitale économique.. le360 Afrique/djidja
Cependant, en lieu et place des promesses de projets d’aménagement urbain, d’autres sites se transforment souvent en terrains vagues envahis par les herbes et les ordures. Les riverains se plaignent de cette situation, dénonçant une mauvaise gestion de terrains autrefois habités ou exploités à des fins commerciales informelles, qui témoignerait d’un manque de suivi et de planification à long terme.
«Allez-y voir au quartier Banco. Actuellement ce sont les herbes et les dépotoirs qui occupent l’espace. On craint que, par manque de suivi, ces lieux ne soient pas exploités après ces déguerpissements en grande pompe. Cela ne fera qu’augmenter la frustration de la population», décrie Assi Ulrich, commerçant ambulant.
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«Quand ils ont démoli nos magasins, on pensait qu’ils allaient peut-être élargir les routes, alors que c’est pour reconstruire d’autres magasins et nous les louer à des prix exorbitants. On nous parle de 10 millions de francs CFA de pas-de-porte et de 150.000, voire 200.000 francs CFA de loyer mensuel. Qu’allons-nous faire, nous qui vivons de petits commerces?», s’inquiète Sawadogo Ibrahim, commerçant de pièces détachées, qui va jusqu’à dénoncer un abus de pouvoir et une forme d’arnaque de la part des autorités.
À Adjamé-village, où l’opération a fait beaucoup plus de bruit, enregistrant un soulèvement des habitants du village qui s’est soldé par des morts, l’espace vidé des habitations et des commerces détruits fait en ce moment office de parking, en attendant le démarrage des travaux de la continuité du 4ème pont qui devrait traverser le village.
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De leur côté, les autorités ivoiriennes annoncent régulièrement des plans de réaménagement pour ces espaces, avec des infrastructures publiques modernes ou des équipements urbains. Toutefois, la lenteur des projets d’urbanisation et le manque de concertation avec les populations nourrissent de grandes frustrations. Pour de nombreux citoyens, la question n’est pas seulement de libérer les espaces, mais aussi d’assurer leur utilisation à des fins qui bénéficient directement aux communautés locales dans de brefs délais.
Bien qu’envisagées pour améliorer l’image de la cité abidjanaise et la qualité de vie de ses habitants, les opérations de déguerpissement offrent un contraste saisissant entre promesses d’urbanisation et réalités sur le terrain. Si des initiatives ont bel et bien vu le jour, certains espaces restent sous-utilisés, mettant en lumière le besoin d’une meilleure planification urbaine et d’une gestion plus inclusive.