Côte d’Ivoire: le «cui-lolo» ou la «danse de Nicapol», ces vidéos qui corrompent les jeunes

Les vidéos de danse cui lolo ont fait de Nicapol, un jeune tiktokeur ivoirien, l'un des plus suivis d'Afrique sur ce réseau social.

Le 19/06/2024 à 13h00

VidéoDepuis quelques mois, un phénomène inquiétant baptisé «cui-lolo» ou la «danse de Nicapol» se répand parmi les jeunes filles. Ce terme, qui désigne une pratique consistant à réaliser des vidéos dans le plus simple appareil et à les envoyer au destinataire contre rémunération, soulève de nombreuses inquiétudes chez les familles et les autorités.

Il est clair que les réseaux sociaux ont transformé la manière avec laquelle les gens interagissent et communiquent, cependant ils ont aussi des effets négatifs, particulièrement sur la jeunesse. Le concept d’une appellation «cui-lolo» en référence aux seins et aux fesses d’une femme initié par le tiktokeur Nicapol est actuellement en vogue sur les réseaux sociaux en Côte d’Ivoire.

Nicapol demande aux jeunes filles de lui produire des vidéos en se montrant torse nu (seins et fesses) au son d’une danse ou une musique qu’il a créée «la danse de Nicapol». «Il propose de modiques sommes (50.000 à 100.000 Fcfa) aux jeunes filles qui se déshabillent et dansent devant lui et en retour il publie ces vidéos sur ses profiles des réseaux sociaux pour gagner en popularité, faire du buzz et augmenter sa communauté de followers sur ces réseaux sociaux», estime Koffi Aurélie, adulée des réseaux.

Les raisons derrière ce phénomène sont multiples: la précarité économique pousse les jeunes filles à participer au «cui-lolo». Face à un manque d’opportunités et à des besoins financiers pressants, certaines voient dans cette pratique une solution rapide et facile pour subvenir à leurs besoins financiers.

«Nos jeunes sœurs sans repaire et en perte d’éducation ont trouvé en cela une opportunité pour se faire l’argent. D’autres le font sans être sollicitées, c’est déplorable!», déplore Annick, jeune commerçante.

A cela faut-il ajouter les envies, les désirs, la recherche de popularité, le m’as-tu-vu, l’avènement des nouvelles technologies avec tous ses corolaires qui favorisent l’accès facile aux sites pornographiques... «Nos sœurs qui veulent toujours ressembler aux autres, elles deviennent envieuses au point de devenir esclaves de ces choses qui déshonorent», exprime avec amertume Konan Emmanuella, étudiante.

Et Traoré Sali d’ajouter, «aujourd’hui, la société est devenue spectatrice passive d’une grande dégradation des mœurs que l’on voit sur les réseaux sociaux. Les jeunes copient les mauvaises pratiques et les reproduisent sans aucune pudeur au point de se montrer nues devant le monde entier», regrette cette mère de famille.

Cependant, ces agissements peuvent avoir des conséquences graves sur leur vie dans le futur. Car les jeunes, souvent influencés par des vidéos virales et des tendances en ligne, peuvent être incités à suivre ce mouvement pour gagner de l’argent ou en popularité.

La diffusion de leur nudité peut porter atteinte à la dignité et à l’intimité de ces jeunes filles. Une fois partagées, ces vidéos peuvent être utilisées à des fins malveillantes, notamment le chantage ou la diffusion publique, entraînant des répercussions psychologiques et sociales graves. Pis, l’initiateur peut un jour utiliser les vidéos pour extorquer davantage d’argent aux jeunes filles sous la menace de les divulguer. Cette situation peut également les placer dans une spirale de dépendance et d’exploitation.

«Elles ne voient que les miettes qu’elles amassent aujourd’hui. Mais elles ignorent que cela pourrait avoir de graves répercutions sur leur vie privée dans le futur. Elles peuvent être sujettes à des chantages un jour lorsqu’elles essayeront de se construire une vie stable dans un foyer, c’est alors que vont naître les regrets. Donc qu’elles y prennent garde dès maintenant», conseille Rose Annick, commerçante.

Afin de lutter et venir à bout de ce phénomène qui met en danger la vie privée des jeunes filles, les uns et les autres proposent des ébauches de solutions.

«Il est essentiel de renforcer les sensibilisations auprès des jeunes filles. Les écoles, les médias, et les organisations communautaires doivent jouer un rôle actif en informant sur les dangers du «cui-lolo» et en promouvant des valeurs de respect de soi et de dignité», dit Gnanzou Matthieu, agent commercial.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 19/06/2024 à 13h00