Côte d’Ivoire: l’éternelle quête d’un remède contre les pharmacies de rue

Une vendeuse de médicaments devant son étal de fortune.

Le 23/11/2024 à 10h19

VidéoOpération coup-de-poing de la police, rencontres scientifiques qui se multiplient, des traités à ne plus en finir... La Côte d’Ivoire peine à trouver la prescription médicale à même de se prémunir des «pharmacies par terre» qui continuent de prospérer. Ce marché représente 30% des ventes de médicaments au pays avec les innombrables risques sur la santé des malades qui en prennent.

Médicaments de la rue, médicaments de qualité inférieur ou pharmacie par terre ce sont les termes qui désignent la même catastrophe: les médicaments vendus à même le sol. De plus en plus les habitants y ont recours s’exposant à de multiples risques. Cette médication peu recommandable a une explication: l’accès aux médicaments et aux soins de bonne qualité n’est pas à la portée de tous les Ivoiriens.

«Des personnes ont recours aux pharmacies par terre parce qu’ils sont moins chers comparativement à ceux des pharmacies conventionnelles et celles des hôpitaux, quoiqu’ils ne soient pas toujours de bonne qualité», explique Yasmine Bah, étudiante.

Pourtant pour faciliter l’accès aux médicaments, l’État a initié la Couverture maladie Universelle (CMU) mais qui est différemment appréciée car incapable de couvrir les dépenses en pharmacie et dans les hôpitaux. Mais le chemin semble encore bien long.

Du 13 au 14 novembre à Abidjan, l’Association de soutien à l’autopromotion sanitaire urbaine a organisé un atelier sur le traité de l’agence africaine du médicament où il a été rappelé qu’«en Afrique, où seulement 3 % des besoins pharmaceutiques sont produits localement, l’accès aux médicaments reste un défi majeur. L’Union Africaine, via son Agenda 2063, a créé l’Agence Africaine du Médicament (AMA) pour renforcer la production et la régulation des produits médicaux sur le continent

Stéphanie Yéogognon, présidente des Organisations de fédérations de santé de Côte d’Ivoire, considère pour sa part que «quand bien même qu’il y a des mesures de répression, les personnes qui font la vente de ces médicaments hors norme continuent d’exister. La situation est alarmante. C’est donc dans l’objectif de venir à bout de ce fléau que nous, entant que société civile qui sommes au cœur des communautés et qui voyons le quotidien des populations, avons initié cette activité autour du traité de l’AMA qui est in fine, l’idée de production de médicaments sur notre territoire. Et nous pensons que si nous y parvenons, les coûts des médicaments vont baisser et cela réduira considérablement l’accès aux médicaments de la rue et garantir une bonne santé à toutes les populations», a-t-il indiqué.

L’atelier d’Abidjan a notamment recommandé «d’intensifier les campagnes de sensibilisation via les médias locaux, collaborer avec les forces de l’ordre pour limiter la vente illicite de médicaments, et créer un réseau d’acteurs engagés pour garantir des médicaments de qualité

En août dernier, les autorités ivoiriennes avaient lancé à Abidjan une grande opération de destruction d’un marché vendant de faux médicaments. Cette opération coup-de-poing avait mobilisé quelque 150 policiers et gendarmes qui avaient pris d’assaut le quartier Roxy à Adjamé, «détruisant les échoppes en tôle pour en extraire de nombreux cartons de faux médicaments» avaient rapporté des agences de presses.

S’adressant à l’une de ces dernières, Parfait Kouassi, ancien président de l’ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire, ce marché représentait 30% des ventes de médicaments en Côte d’Ivoire. Le secteur pharmaceutique légal enregistre chaque année «une perte de 40 à 50 milliards de francs CFA (76 millions d’euros) dont plus de 5 milliards destinés à l’Etat, due à l’existence d’un marché de rue des médicaments».

Le continent ne produit que 3% des médicaments consommés par ses habitants, tandis que 40% des médicaments falsifiés circulent sur le continent. Compte tenu de la complexité de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique, les médicaments vendus en Afrique sont les plus chers au monde. Sur le marché mondial du médicament, qui s’élève à 1.413 milliards de dollars, l’Afrique ne pèse que 1,2 milliard de dollars. C’est pourtant sur ce continent que les besoins sont les plus importants en raison des évolutions des modes de vie et des demandes sociales en constante évolution.

L’accessibilité des médicaments en Afrique est donc un enjeu crucial pour la santé publique ; c’est juste titre que cette collaboration entre l’Agence du médicament africain (Ama), l’Autorité ivoirienne de régulation pharmaceutique (Airp) et les organisations de la société civile est essentielle pour améliorer l’accessibilité des médicaments en Côte d’Ivoire.

Le plaidoyer vise à terme à favoriser la motivation des décideurs étatiques clés pour la mise en œuvre du traité de l’AMA en Côte d’Ivoire, il vise également à favoriser l’accessibilité des soins de santé de qualité pour les populations hautement vulnérables, créer un environnement propice à la santé publique, lutter contre les médicaments contrefaits.

Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 23/11/2024 à 10h19