Le déficit en logements est estimé à plusieurs centaines de milliers et s’aggrave chaque année, notamment du fait de l’urbanisation rapide et de la croissance démographique. Le Grand Abidjan est particulièrement touché, avec une concentration importante de la population et une demande croissante.
Le déficit se creuse d’environ 40.000 à 50.000 unités par an, selon une étude de la Banque Mondiale. Les prix des logements, qu’ils soient à la location ou à l’achat, sont en constante augmentation, les rendant inaccessibles pour de nombreuses familles, notamment celles à faibles revenus.
Dans les quartiers populaires comme dans les zones dites ”intermédiaires”, les prix de location s’envolent. Un simple deux-pièces qui se louait à 45.000 Fcfa (656 FCFA= 1 euro) il y a quelques années frôle aujourd’hui les 90.000, voire les 100.000 Fcfa. Dans les zones prisées comme Cocody, Marcory ou Plateau, les loyers atteignent des sommets, dépassant largement le revenu moyen des ménages.
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«Actuellement, le loyer d’un studio varie entre 40.000 et 60.000 Fcfa voire 80.000 dans certains quartiers, l’équivalent du loyer d’un trois pièces par le passé», déplore Soro Soro, entrepreneur.
A côté de cette réalité, se greffent les cautions et avances exigées par les bailleurs au mépris de la réglementation fixée par le gouvernement. «Le montant de la caution ne peut excéder deux mois de loyer. L’avance de loyer ne peut pas dépasser deux mois de loyer», stipule la loi N°2018-575 du 13 juin 2018 relative au bail à usage d’habitation plafonne ces sommes. Et de poursuivre «En cas de non-respect, le locataire peut se plaindre auprès des autorités compétentes ou saisir les tribunaux».
Cependant, les bailleurs sont loin de respecter l’application de cette loi qui selon eux, ne les arrangent pas eu égard de l’inflation et les coûts des matériaux de construction contribuent à cette hausse des prix sur le marché. «On nous demande trois voire quatre mois d’avance, entre trois et cinq mois de caution et un mois de frais d’agence… Où allons-nous trouver tout cet argent ? Et lorsqu’on se plaint, ils nous jettent à la figure que ce n’est pas l’Etat qui finance leurs constructions», s’indigne Simi Miélo, employée de bureau, à la recherche d’un logement depuis six mois. Son salaire mensuel compris entre 100.000 et 200.000 Fcfa ne suffit pas à couvrir les exigences des bailleurs.
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Selon des agents immobiliers, la demande excède largement l’offre, ce qui pousse les propriétaires à imposer leurs conditions, parfois au mépris de la réglementation. «C’est la loi du plus offrant», confie un intermédiaire rencontré à Yopougon.
Dans cette spirale, les familles modestes sont les plus durement touchées. Beaucoup se voient contraintes de vivre dans des habitations exiguës, insalubres, ou de s’éloigner toujours plus vers la périphérie d’Abidjan, au prix de longues heures de transport quotidien.
Pour Justin Kouassi, jeune débrouillard, «le logement est devenu un problème de survie». Sa famille de cinq personnes partage deux-pièces en attendant de trouver mieux. «Avec les loyers actuels, on ne vit plus… on survit», lâche-t-il, amèrement.
De son côté, malgré les efforts du gouvernement, l’accès au logement pour les populations ivoiriennes en général, et abidjanaises en particulier, reste un véritable calvaire. Cette difficulté s’explique en partie par l’écart entre l’offre et la demande. Certains évoquent la cherté des matériaux et des matériels de construction qui subissent des augmentations sur le marché.
«Le cours de la vie est déjà cher. Et le logement est également touché. Donc, les propriétaires se voient dans l’obligation d’augmenter les prix des loyers. Et en plus les projets immobiliers, souvent présentés comme “abordables“, restent inaccessibles pour une grande partie de la population. C’est pourquoi nous en appelons aux autorités notamment au ministère de la Construction et l’urbanisme, à voir de près la situation avant que nous nous retrouvions tous à dormir sur les tables des marchés», exhorte Amari Jeannot, un habitant d’Adjamé.
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Face à cette situation, les uns et les autres plaident pour un «développement de logements sociaux adaptés aux besoins des populations à faibles revenus, l’amélioration de l’accès au financement et aux crédits immobiliers, l’encouragement de la construction de logements dans des zones périphériques bien desservies, la lutte contre la spéculation foncière et la flambée des prix». Des actions déjà engagées par le gouvernement à travers le ministère de tutelle.
Tandis que la ville continue de s’étendre et d’attirer de nouveaux habitants, la question du logement à Abidjan reste une véritable problématique. Et pour beaucoup, l’urgence est claire: agir vite, avant que le droit au logement ne devienne un privilège réservé à une élite.