Des noms chargés de mémoire pour inscrire dans la ville l’héritage des hommes et des femmes qui ont façonné la nation, tel est le leitmotiv derrière la décision du conseil municipal de rebaptiser plusieurs artères de la capitale, en hommage à des figures politiques et religieuses qui ont marqué le Sénégal.
Mamadou Diouf, directeur de la cellule d’appui aux élus locaux et expert en décentralisation, salue la démarche «je pense que c’est une très bonne idée de renommer certaines rues, afin de mettre en lumière les figures emblématiques du Sénégal comme Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Wade, ou encore Serigne Mountakha Mbacké. Ces rues porteront désormais les noms de personnalités illustres de notre pays. Je félicite le conseil municipal de Dakar-Plateau pour cette belle initiative.»
Fierté et reconnaissance est le sentiment partagé par de nombreux habitants du Plateau.
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Abdoulaye Niang, professeur de lettres et écrivain, en apporte un précieux témoignage «changer la dénomination des rues de Dakar-Plateau est une très bonne chose, non seulement pour le Sénégal, mais aussi pour l’Afrique. Cela nous permet de décoloniser notre esprit. Comme le disait le grand Ngugi wa Thiong’o dans ‘Decolonising the Mind’, c’est une étape importante pour reprendre le contrôle de notre mémoire et de notre identité.»
Mais certains habitants de la capitale voient plus loin. Kémo Sow, habitant de Grand-Dakar, estime que l’initiative arrive à point nommé «je suis né ici, à Dakar, et j’y ai vu des rues portant les noms de Georges Pompidou, Carnot ou Jean Jaurès… des personnalités occidentales. Certes, les Français ont aussi contribué à notre histoire, mais il est temps pour nous de récupérer ce qui nous appartient de droit.»
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Un avis partagé par d’autres Dakarois, qui souhaitent voir l’initiative s’étendre à tout le pays. Abdoulaye Niang poursuit, «j’aimerais que ce travail se poursuive partout au Sénégal. Par exemple, le pont Faidherbe à Saint-Louis pourrait porter le nom d’un grand Africain ou d’un Sénégalais. Il faut que cette démarche prenne de l’ampleur.»
Mamadou Diouf ajoute, «peut le faire à Linguère, à Ziguinchor, et dans l’ensemble des 558 communes du Sénégal. Il s’agit de mettre nos héros à la disposition des jeunes et des élèves, pour qu’ils connaissent l’histoire du pays et les grandes figures qui l’ont construite.»
Des rues jadis marquées par des noms coloniaux portent désormais des symboles de dignité et de souveraineté nationale.
Une manière pour Dakar de se réapproprier son histoire, et de rappeler que la mémoire collective commence parfois… à chaque coin de rue.