Don d’argent, bénévolat, aide aux étrangers: les 10 pays africains les plus généreux

Le 23/08/2024 à 14h54

Malgré les défis socio-économiques, la générosité demeure profondément enracinée en Afrique, portée par des traditions culturelles séculaires de solidarité et d’entraide communautaire, comme le souligne le dernier la Charities Aid Foundation (CAF). En soutenant ces dynamiques vertueuses, les gouvernements et la société civile peuvent contribuer à bâtir des sociétés plus résilientes et durables.

La générosité en Afrique fait preuve d’une résilience remarquable malgré les défis. C’est ce que l’on peut retenir du dernier CAF World Giving Index, un rapport annuel sur la générosité et le bénévolat dans le monde, publié par la Charities Aid Foundation (CAF), une organisation caritative britannique de premier plan experte dans la philanthropie mondiale.

Cet indice mesure l’engagement des populations en termes de dons d’argent, de bénévolat et d’aide aux étrangers, à travers des enquêtes menées par Gallup, entreprise de sondages et d’analyses qui mène des enquêtes à l’échelle mondiale, auprès de plus de 145.000 personnes dans 142 pays. L’édition 2024 révèle que dans le monde entier, un nombre record de 4,3 milliards de personnes ont aidé quelqu’un qu’elles ne connaissaient pas, ont fait du bénévolat ou ont donné de l’argent à une bonne cause au cours du mois précédent.

Neil Heslop, directeur général de la CAF, souligne l’importance de «mettre en place les bons éléments constitutifs pour développer le don et l’engagement communautaire afin de tendre vers une société civile dynamique dans chaque pays».

Plusieurs pays africains se distinguent par des scores élevés dans l’Indice Mondial de Générosité 2024. A titre d’illustration, à l’échelle mondiale, l’Indonésie est le pays le plus généreux du monde, pour la septième année consécutive. Le Kenya est le deuxième pays le plus généreux, alors qu’il était troisième l’année dernière, et Singapour le troisième, selon le World Giving Index 2024.

Ainsi, le Kenya trône au sommet du classement africain avec un score de 63 points, porté par 82% des adultes qui ont aidé un étranger, 56% qui ont fait un don et 52% ayant fait du bénévolat. C’est une performance remarquable qui s’appuie sur des traditions ancestrales d’entraide comme l’Harambee, littéralement «tous ensemble» en swahili.

Cette philosophie encourage depuis des générations les contributions volontaires citoyennes pour des causes d’intérêt public comme la construction d’écoles ou d’infrastructures. Au Kenya, aider son prochain est vu comme un devoir civique et moral profondément ancré dans les mentalités. La Gambie 2ème sur le contient et 4ème dans le monde avec 61 points. 78% des adultes ont aidé un étranger, 61% ont donné de l’argent et 45% ont été bénévoles.

Le Nigeria, 3ème au niveau africain et 5ème dans le monde (60 points), perpétue aussi des systèmes traditionnels de solidarité financière comme les «Esusu», sortes de tontines permettant l’épargne collective et le soutien mutuel au sein des communautés. Dans ce géant démographique multiethnique, ces pratiques favorisent la cohésion sociale. Au Nigéria, 81% des adultes ont aidé un inconnu, 45% ont fait un don et 53% se sont portés volontaires.

Le Libéria (4ème en Afrique et 12ème dans le monde avec 52 points) s’illustre par avec un score élevé, témoignant d’une culture de l’entraide ancrée jusque dans les zones rurales reculées. Le bénévolat y est particulièrement développé, atteignant 58% des Libériens.

Voisin au Libéria, la Guinée est classée 5ème en Afrique et 13ème dans le monde avec 52 points. Il est suivi par un autre voisin, la Sierra Leone (6ème en Afrique et 31ème dans le monde avec 47 points). Ces trois pays d’Afrique de l’Ouest ont la particularité d’être riches en ressources minérales, ou la générosité demeure un marqueur identitaire fort malgré les difficultés économiques. Selon l’Indice Mondial de Générosité 2024 de la CAF, au Libéria, l’aide aux étrangers culmine à 80%, 78% en Sierra Leone et 74% en Guinée.

Le Ghana, pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, se distingue au 7ème rang dans le Top 10 africain de l’Indice mondial de générosité 2024 et 34ème mondial par un score de 46 points. Si les taux d’aide aux étrangers (65%) et de bénévolat (37%) y sont honorables, c’est surtout le don d’argent qui tire sa performance avec 34% des Ghanéens donnant à des organismes caritatifs. Cette tradition de philanthropie trouve ses racines dans les systèmes traditionnels d’entraide communautaire comme les «Nnoboa» ou les «Gye-Nyame», très ancrés dans la culture akan majoritaire. Le dynamisme de la diaspora ghanéenne contribue également aux flux de dons transfrontaliers.

Avec 45 points, l’Éthiopie (8ème) confirme la force des traditions séculaires de solidarité en Afrique de l’Est. 66% des Éthiopiens déclarent avoir aidé un inconnu et 40% avoir fait un don d’argent. L’Église orthodoxe éthiopienne, très influente, prône depuis des siècles la charité comme un devoir moral. On retrouve également des pratiques traditionnelles d’entraide villageoises comme l’Iddir ou le Daguafou. Le pays connaît cependant d’importantes disparités régionales, avec des zones rurales reculées plus généreuses.

Au Tchad (9ème), la générosité (44 points) se manifeste surtout par le très fort taux d’aide aux étrangers (72%). Ce petit pays enclavé d’Afrique centrale, riche en pétrole et multiculturel, voit certaines de ses communautés perpétuer des traditions ancestrales d’accueil et d’hospitalité envers les voyageurs. Le bénévolat y est aussi bien implanté (33%) tandis que le don d’argent reste plus limité (29%), l’économie étant largement informelle.

Bien que meurtrie par les conflits, la Libye clôt ce Top 10 avec 44 points. C’est l’aide aux étrangers (72%) qui constitue le principal vecteur de générosité dans cette nation désertique, de par ses traditions d’accueil bédouines. Le don d’argent (34%) est également bien implanté, la Libye étant un pays pétrolier relativement aisé jusqu’aux années 2010. Mais le bénévolat reste peu développé (25%), pâtissant d’un tissu associatif affaibli par les crises politiques récentes.

Un levier de développement à structurer

Si les grandes traditions religieuses présentes en Afrique (islam, christianisme, religions traditionnelles) valorisent toutes la générosité, ce sont surtout les cultures communautaires villageoises traditionnelles qui semblent porter ces hauts niveaux d’entraide.

Cependant, les pays du continent restent confrontés à des défis de structuration du secteur associatif et de répartition équitable de la générosité, avec d’importantes disparités urbain/rural. Certains domaines comme la santé ou l’éducation bénéficient davantage de ces actes généreux.

La CAF souligne l’importance pour les gouvernements de soutenir ces traditions vertueuses, en facilitant le don et le bénévolat, tout en promouvant une société civile indépendante. La CAF appelle également les gouvernements et les bailleurs à soutenir le développement d’une société civile résiliente, en facilitant notamment les dons transfrontaliers. Pour l’Organisation philanthropique, une générosité durable et bien canalisée peut grandement contribuer au développement des pays africains.

Le cas du Maroc: solidarité spontanée après le séisme

Le rapport met également en lumière la mobilisation exceptionnelle des Marocains après le séisme dévastateur de septembre 2023, avec une hausse de 800% des dons d’argent et un doublement du taux de bénévolat. En 2022, seulement 2% des personnes ont fait un don à une association caritative au Maroc, mais ce chiffre est passé à 18% en 2023, et le taux de bénévolat a doublé, passant de 8% à 16%. Cela n’a visiblement pas permis au Maroc de se classer dans le Top 10 africain de l’Indice mondial de générosité 2024. Le pays est classé au 103e rang mondial et 29e en Afrique.

«Les catastrophes naturelles touchent de manière disproportionnée les populations les plus pauvres. Il est crucial que les donateurs soutiennent les communautés sur le long terme pour reconstruire et investir dans l’avenir», déclare Brooks Reed, vice-président de CAF America.

Cette capacité de mobilisation spontanée illustre la force des traditions de solidarité au Maroc, et la nécessité d’accompagner durablement les populations vulnérables face aux crises.

Le Top 10 africain du CAF World Giving Index 2024

PaysScore (points)Aidé un étranger
(% d’adultes)
Argent donné
(% d’adultes)
Volontaire
(% d’adultes)
Rang mondialRang en Afrique
Kenya638256522ème1er
Gambie617861454ème2ème
Nigeria608145535ème3ème
Liberia5280195812ème4ème
Guinée5274384313ème5ème
Sierra Leone4778263631ème6ème
Ghana4665343734ème7ème
Ethiopie4566403038ème8ème
Tchad4472293341ème9ème
Libye4472342543ème10ème

Source : World Giving Index Rankings

Par Modeste Kouamé
Le 23/08/2024 à 14h54