Le cadre est posé par l’Ordonnance n°0012/PR/2024. L’objectif est sans équivoque: protéger la santé publique et une biodiversité riche, mais menacée. Pour saisir l’urgence, il suffit de regarder les chiffres. Rien qu’à Libreville, la collecte quotidienne avoisine les 36 tonnes de déchets plastiques, ce qui a fait dire au ministre de l’Environnement, Mays Mouissi, «Le Gabon suffoque sous des tonnes de déchets, principalement plastiques.»
L’s sacs, utilisés quelques minutes, mettent plus de 100 ans à se dégrader dans la nature. Leur interdiction ne se limite pas seulement à leur distribution mais s’étend aussi à tout abandon sur la voie publique ou dans les cours d’eau. Une volonté d’attaquer le problème à la racine, de la production à la gestion des déchets.
Pour permettre cette transition, le gouvernement avait accordé un délai de trois mois aux opérateurs économiques afin de leur laisser le temps d’écouler les stocks et d’adopter des alternatives durables. Sur le papier, la mesure est imparable. Mais sur le terrain, l’idéal écologique se heurte à la complexité du quotidien.
Dans les boutiques et les marchés, le sac Kraft, en papier, est devenu le nouvel étendard de cette lutte. Pourtant, cette substitution n’est pas sans créer de nouvelles tensions. «Ça devient très compliqué avec les clients. Parce que les sacs recommandés exigent un investissement financier supplémentaire. Une seule pièce de dix sacs papier varie entre 100 et 150 francs CFA. Il faut que le client achète plus de produits pour qu’on le lui offre gratuitement. Sinon, il paie», a déclaré, Alassane, boutiquier au marché de Nkembo à Libreville.
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Ce changement de modèle, où le sac n’est plus un accessoire gratuit, est un chamboulement pour les habitudes de consommation. Une dépense imprévue qui ne passe pas auprès de tous les clients. «En plus des articles que je viens d’acheter, s’il faut encore payer un sac. Je pense qu’il y a plus grave comme problème. Les sachets, ok, mais il y a aussi les bouteilles qu’on jette partout.», explique Émilie, une cliente.
Le sentiment d’Emilie reflète une certaine frustration. Si la finalité environnementale est comprise, sa mise en œuvre est perçue comme une contrainte supplémentaire dans un contexte de vie déjà cher.
Un consensus fragile malgré les bonnes intentions
Pour être pleinement acceptée, la solution de remplacement doit être pratique et accessible. «C’est bien de remplacer les sachets à usage unique par des sacs en papier. Mais ils ne sont pas assez amples pour moi qui doit servir la banane ou le poisson à un client. En plus ils sont chers», a déclaré, Berthe Ngo, commerçante au marché de Nkembo.
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Le constat de Berthe soulève les limites actuelles de l’alternative: adaptabilité et coût. Les sacs en papier, dans leur forme actuelle, ne répondent pas encore à tous les besoins, notamment pour les produits en vrac ou humides.
Le Gabon a pris une décision courageuse, alignée sur les défis environnementaux. La route vers un «Gabon sans plastique» est cependant semée d’embûches, nécessite un changement des mentalités et des alternatives viables. Le premier acte est joué. Le prochain sera celui de l’adaptation et de l’innovation pour que l’écologie ne soit plus vécue comme une contrainte, mais comme une évidence partagée.
