Les prisons gabonaises étouffent sous le poids d’une surpopulation alarmante. Les conditions de détention y sont régulièrement dénoncées comme inhumaines. C’est dans ce contexte que la société civile se mobilise pour un changement.
Lire aussi : Indice mondial du savoir 2025: voici les 10 pays africains les mieux et les plus mal classés
Un atelier, organisé ce week-end à Libreville par l’ONG «SOS prisonniers du Gabon», en collaboration avec «Agir Ensemble pour les droits humains» et financé par l’Union européenne, a servi de catalyseur à un plaidoyer d’une brûlante actualité.
Cette rencontre, tenue dans le cadre du projet «Dignité en Détention», ne se contente pas de constats. Elle vise à transformer l’indignation en actions concrètes pour garantir des conditions de vie dignes aux personnes incarcérées et attaquer le mal à la racine.
Le message est clair et sans ambages: les bonnes volontés des ONG ne suffisent pas. Lyvia Moussavou, Coordinatrice du Projet Dignité en Détention, assène une vérité politique cruciale: ce plaidoyer s’adresse en priorité «aux décideurs», seuls détenteurs du pouvoir de réformer un système à la dérive. Elle rappelle que les organisations de la société civile, bien que sur le front, «manquent de pouvoir régalien, qui appartient à l’État et au parlement». Le constat est limpide: sans une volonté politique ferme au plus haut niveau, les améliorations resteront cosmétiques.
Lire aussi : Emmanuel Macron en visite au Gabon ce dimanche: priorité à la formation et aux infrastructures
Le plaidoyer ne s’arrête pas aux murs de la prison. Lyvia Moussavou enfonce le clou en pointant l’absence criante d’une politique de réinsertion, véritable talon d’Achille du système. «L’absence d’une telle stratégie contribue directement à la surpopulation carcérale et au taux élevé de récidivisme», souligne-t-elle. Une approche purement punitive, sans perspective de réintégration, se révèle être un cercle vicieux qui engorge les prisons et mine la sécurité collective.
C’est précisément dans ce vide abyssal que résonne avec une force particulière le témoignage de Seramie Aubierge Mezui Mvoua, Coordinatrice de SPG Ngounié/Nyanga et ancienne détenue. Son histoire personnelle est la preuve vivante du potentiel gaspillé derrière les barreaux. Avoir obtenu son baccalauréat en détention est un exploit qui soulève une question cruciale et gênante «quel soutien le gouvernement offre-t-il pour que de tels parcours, au lieu d’être des exceptions héroïques, deviennent la règle ?» se demande-t-elle.
Son appel à une prise de conscience des autorités sur la surpopulation et la gestion des parcours des détenus n’est pas qu’un constat supplémentaire. Il est le chaînon manquant entre l’analyse politique et la réalité humaine. Son expérience démontre que lorsque l’État abandonne sa mission de réinsertion, il brise des vies mais se prive aussi de forces vives capables de se reconstruire.
Lire aussi : Gabon: élus députés, 18 membres du gouvernement démissionnent
Ce double plaidoyer, à la fois froidement politique et profondément humain, dessine la feuille de route d’une réforme nécessaire. Il ne s’agit plus seulement de dénoncer les souffrances, mais d’imposer un dialogue constructif.
La balle est désormais dans le camp des décideurs. Accepter ont-ils de saisir ce tremplin pour briser l’engrenage de la surpopulation, de la récidive et de l’inhumanité, en commençant par écouter à la fois la raison et les témoignages de celles et ceux qui ont vécu l’enfer du système ?




