L’initiative n’est pas partie des chefs traditionnelles eux-mêmes, mais plutôt de l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua (Affada) dont les responsables, lors de leurs actions sur le terrain, avaient remarqué une certaine défaillance dans le suivi de leurs activités de routine. Françoise Baba, la coordonnatrice de cette association et son équipe avaient alors suggéré aux chefs traditionnels partenaires de leurs projets, d’impliquer davantage les femmes afin que leurs cibles continuent de bénéficier des bienfaits ces projets. C’est ainsi que les femmes ont eu l’insigne honneur d’entrer dans la cour d’honneur de la Chefferie traditionnelle.
Notable, Moussa Tchitoya, de la Chefferie de 1er degré de Maroua revient sur le jour de son intronisation, «ce jour-là, j’étais entre le doute et la réalité puisqu’un fait pareil ne s’était jamais produit ici dans la région de l’Extrême-Nord. C’est quand le Lamido a prononcé son discours devant toutes les autres autorités que j’ai pris conscience. Nous étions quatre femmes au total sur 15 présélectionnées», a-t-elle déclaré avant d’ajouter qu’elle a dû beaucoup négocier avec son époux pour ce que celui-ci accepte son titre de notable.
Contrairement aux notables hommes, chaque femme a un rôle précis à jouer à la chefferie. Chacune d’elle est d’ailleurs désignée sur la base de son parcours jugé élogieux et son engagement constant pour la cause de la femme et de la jeune fille. Les quatre régions de l’Extrême-Nord bénéficient régulièrement de l’appui du Fonds des nations pour la population (Unfpa).
C’est pourquoi à environ deux ans de leur intronisation, elles ont pu impacter positivement leurs localités respectives, comme nous l’a déclaré Hadja Kaïgama, notable à la chefferie de 1er degré de Mokolo. «Ici, la plupart des filles n’allaient pas à l’école mais avec notre intronisation, cela est effectif presque dans tous les villages. Nous avons beaucoup sensibilisé et Dieu merci, plusieurs parents nous écoutent», témoigne la notable.
Cette dernière précise «auparavant, il était inimaginable qu’une femme aille se plaindre à la chefferie pour les cas de violences conjugales et de maltraitance, actuellement notre chefferie est plaine de femmes qui trouvent aussitôt satisfaction à leurs inquiétudes. Lorsqu’elles viennent, elles se dirigent vers nous les notables femmes. Ici aussi, les femmes souffrent en majorité des fistules obstétricales et nous sommes chargées de les orienter de peur qu’elles ne sombrent dans l’abandon.»
Les trois régions septentrionales du pays comptent à ce jour près de 300 femmes notables différemment reparties dans les chefferies de 1er et 2nd degré. Cette vision portée par l’association Affada a déjà été intégrée dans les 18 chefferies de premier et deuxième degré que comptent les trois régions septentrionales que l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord du Cameroun.