Guinée. Entre scène et survie: comment professionnaliser la carrière artistique?

Des artistes guinéens sur scène.

Le 10/09/2025 à 08h57

VidéoEn Guinée, la précarité frappe de plein fouet le milieu artistique. Derrière les projecteurs et les concerts à guichets fermés, la réalité est souvent amère: absence de couverture sociale, quasi-inexistence de perspectives de retraite. Alors, artistes, responsables institutionnels et consultants culturels appellent à une réorganisation du métier d’artiste.

Dans un milieu où la gloire est souvent éphémère et les revenus irréguliers, de nombreux artistes guinéens s’interrogent sur leur avenir. Comment s’assurer une vie décente une fois les feux de la rampe éteints?

Pour l’artiste, Mamadou Thug, la solution passe par une sécurité sociale adaptée aux réalités du métier «la Caisse Nationale de Sécurité Sociale doit jouer son rôle. Nous avons déjà fait un pas avec le passeport et la carte sanitaires, mais il faut viser plus loin: une assurance digne de ce nom. Les bonus du Bureau Guinéen du Droit d’Auteur ne suffisent pas. Demain, l’artiste doit pouvoir toucher un salaire après la scène. Mais cela suppose une professionnalisation: accepter d’être affilié, déclarer ses revenus, payer ses cotisations. En France, par exemple, un artiste peut vivre dignement de ses heures de travail; c’est ce modèle qu’il faut viser».

Cette volonté de professionnalisation est partagée par certains responsables institutionnels. Pour Macka Traoré, responsable des industries culturelles et créatives, la musique est le moteur de toute une industrie qui doit être mieux structurée. «Une industrie culturelle sans la musique n’en n’est pas une. Lorsque les artistes se réunissent pour s’organiser, notre rôle est de les accompagner. La formalisation et la mise en place de stratégies solides sont indispensables pour promouvoir durablement les industries culturelles et créatives. Leur volonté de s’organiser en syndicat est un signal fort».

Sur le terrain, de plus en plus de musiciens et d’acteurs culturels discutent justement de la création d’un syndicat, considéré comme un outil de défense des droits et un levier pour la cohésion du secteur.

Le consultant culturel Ismaël Condé estime que cette organisation est incontournable. «Le syndicat est une manière d’harmoniser les efforts. Comme dans un orchestre, chacun a sa partition à jouer. Le syndicalisme devra assumer son rôle pour créer une véritable cohésion entre les musiciens et les artistes guinéens».

Si les intentions sont là, le défi reste immense: faire en sorte que les artistes, souvent dispersés et jaloux de leur indépendance, acceptent de se regrouper pour construire un avenir commun. Mais une chose est claire: sans organisation et sans mécanismes de protection, la précarité continuera de hanter un milieu qui, paradoxalement, nourrit la société guinéenne par sa créativité et sa capacité à rassembler.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 10/09/2025 à 08h57