Guinée. Permis imposé aux mototaxis: la mesure inquiète... autant qu’elle rassure

Des conducteurs de mototaxi à Conakry.

Le 02/12/2025 à 08h51

VidéoA Conakry, on ne vient pas au mototaxi par vocation, mais par nécessité. Étudiants, artisans, chômeurs... il suffit d’avoir un engin monté sur deux roues pour s’improviser transporteur, besogne souvent exercée sur des routes en piteux état. C’est cette frange de la population qui s’inquiète de l’imposition du permis de conduire.

Très tôt, chaque matin, le rond-point T7 à Conakry s’éveille dans une brume sèche. Les conducteurs de mototaxis surgissent, perchés sur leurs engins, prêts à entamer une dure journée de labeur, compliquée par l’imposition, le 29 novembre, du permis de conduire.

Pour expliquer cette décision, Ousmane Gaoual Diallo, ministre des Transports, a choisi la simplicité d’une évidence: «Il est important que ceux qui conduisent connaissent le code de la route».

Il en veut pour preuve, les 3.200 accidents liés aux motos enregistrés en 2024 à l’origine de 1.100 décès, causé 2.000 blessés graves et plus de 700 cas d’invalidité permanente.

Mais cette limpidité du ministre peine à trouver un écho favorable chez les conducteurs de ces deux-roues, auprès desquels la mesure suscite un mélange d’adhésion et d’inquiétude. «Le problème n’est pas le permis mais le temps qu’il va nous falloir pour l’avoir. Ça va fatiguer les gens», confie Abdourahmane Bah.

À ses côtés, un autre conducteur, visage perlé de sueur sous le casque, renchérit «cette poussière que vous voyez sur mon visage, si elle rentre dans mes poumons, ça va me rendre malade. Il m’arrive de garder le lit pendant une semaine», glisse Souleymane Barry comme pour parler de la dureté de ce travail souvent exercé sur des route en très mauvais état.

Ce métier, les jeunes ne l’ont pas choisi par passion, mais par nécessité. Au rond-point T7, lycéens, étudiants, jeunes travailleurs... s’improvisent transporteurs sur deux roues. Car le mototaxi est un emploi-tampon, un moyen de pouvoir payer livres, brochures, repas. «Je fais ce métier pour pouvoir payer mes dépenses. Je ne peux pas demander aux parents, ils n’ont pas les moyens», avoue Abdourahmane Bah, dans un souffle sincère.

Certains viennent même d’abandonner d’autres emplois pour enfourcher leur monture métallique. «Mon ancien employeur s’était engagé à me verser mon salaire chaque 5 du mois. Puis ça a été le 10, le 15... ainsi de suite. Alors, je n’avais pas d’autres choix que de revenir à mon ancien métier», raconte Souleymane Barry, anciennement pâtissier, aujourd’hui conducteur de mototaxi.

Malgré la mesure du ministère des Transports qui a tenté de rassurer après l’annonce du permis bientôt exigé, la démarche inquiète, dans un secteur où ce métier est souvent pratiqué faute de choix, par des élèves, étudiants et jeunes travailleurs qui cherchent un revenu pour boucler le mois.

Par Mamadou Mouctar Souaré (Conakry, correspondance)
Le 02/12/2025 à 08h51