Kenya: au coeur du «massacre de Shakahola», un chauffeur de taxi devenu «pasteur»

Les macabres découvertes de corps d'adeptes d'une secte de l'Eglise Internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church).

Le 24/04/2023 à 16h47

Accusé d’avoir poussé ses adeptes à mourir de faim dans l’est du Kenya, Paul Mackenzie Nthenge est un chauffeur de taxi devenu «pasteur» en 2003, et dont les prêches extrêmes lui ont valu deux arrestations depuis 2017. Le dernier bilan de l’affaire des membres présumés d’une secte qui pratiquaient le jeûne extrême à des fins religieuses est passé à 73 morts.

Il est au coeur de ce que ce pays d’Afrique de l’Est appelle désormais le «Massacre de la forêt de Shakahola», du nom de la forêt où ont été retrouvés des dizaines de corps de membres de l’Eglise Internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church), qu’il a fondée en 2003.

Un total de 73 adeptes sont morts, selon un bilan provisoire donné lundi par le chef de la police kényane Japhet Koome. Le président William Ruto a dénoncé l’oeuvre de «terroristes».

La police avait d’abord présenté le chef de cette «Eglise» sous le nom de Makenzie Nthenge, dans un rapport de police du 14 avril, quand les forces de l’ordre locales sont intervenues après avoir reçu des informations faisant état de «citoyens ignorants morts de faim sous prétexte de rencontrer Jésus après avoir subi un lavage de cerveau».

Il s’est rendu de lui-même à la police le soir du 14 avril, se sachant recherché. Il est en détention depuis et doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.

Sur des documents judiciaires consultés par l’AFP, il est appelé Paul Mackenzie Nthenge.

Sur le site internet de son organisation, il est indiqué qu’elle a été «créé le 17 août 2003 par le serviteur de Dieu PN Mackenzie».

Avec des antennes dans plusieurs régions du Kenya, l’Eglise Internationale de Bonne Nouvelle revendiquait plus de 3.000 membres, dont un millier dans la ville côtière de Malindi où il était installé.

«Fin des temps»

«La mission de ce ministère est de nourrir les fidèles de manière holistique dans tous les domaines de la spiritualité chrétienne alors que nous nous préparons à la seconde venue de Jésus-Christ par l’enseignement et l’évangélisation», peut-on lire.

Paul Mackenzie Nthenge diffusait un programme intitulé «Messages de fin des temps» évoquant «les enseignements, prêches et prophéties sur la fin des temps, communément appelée eschatologie». Il affirmait «apporter l’Evangile de notre SEIGNEUR Jésus-Christ exempte de tromperie et de l’intellect de l’Homme».

Il a également lancé une chaîne YouTube en 2017, où l’on trouve des vidéos de ses prêche menés dans son église de Malindi, où il mettait notamment en garde ses fidèles contre les pratiques « démoniaques » telles que le port de perruques et les transactions numériques sans argent liquide.

Cette année-là, Paul Mackenzie Nthenge a été arrêté une première fois pour «radicalisation», pour avoir prôné de ne pas mettre les enfants à l’école, affirmant que l’éducation n’était pas reconnue par la Bible.

Il affirme avoir fermé son église deux ans plus tard pour s’installer dans le village forestier de Shakahola. «J’ai eu la révélation que le moment d’arrêter était venu», déclarait-il le 25 mars dernier au quotidien The Nation. «Je prie juste avec moi-même et ceux qui ont choisi de croire», assurait-il.

Quelques jours plus tôt, il avait été à nouveau arrêté «après avoir été lié aux décès de deux enfants présumément morts de faim sur instruction de ce criminel», a déclaré lundi Japhet Koome. Selon le chef de la police kényane, il avait recommandé à ses fidèles de «jeûner jusqu’à la mort afin de rencontrer leur Créateur».

Il avait été libéré contre une caution de 100.000 shillings kényans (environ 670 euros). Dans son interview à The Nation, il se disait «choqué des accusations portées contre (lui)».

C’était quelques semaines avant que la police ne retrouve les premières victimes dans la forêt de Shakahola: 15 de ses adeptes, dont plusieurs affaiblis et émaciés. Quatre étaient morts durant leur transfert à l’hôpital.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 24/04/2023 à 16h47