Erouagani, zone nord de Libreville. Ici, la mer n’est plus une voisine paisible. Elle est devenue une menace constante. Les vagues frappent aux portes des maisons, grignotant chaque jour un peu plus de terrain. Renami, 60 ans, n’a jamais vu pareil spectacle.
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«Quand j’étais tout petit, la mer n’était pas si proche des maisons... Mais d’année en année, le phénomène d’érosion s’est accru. Au point où on en est, les autorités doivent prendre des mesures pour nous éviter le pire», confie-t-il avec gravité.
Un littoral victime des activités humaines
Le cas d’Enrouagani n’est pas isolé. De la pointe Estuaire à la baie des Tortues, l’érosion touche presque tout le littoral gabonais. En cause: les activités humaines. L’extraction illégale ou incontrôlée de sable marin, notamment pour alimenter les chantiers de construction, accélère le phénomène. À cela s’ajoutent la pollution plastique omniprésente et la destruction des mangroves, pourtant boucliers naturels contre la montée des eaux.
Nicaise Moulombi, figure connue du combat écologique au Gabon, tire la sonnette d’alarme. «Les activités anthropiques sont dévastatrices sur la côte. Avec les constructions qui se poursuivent le long du littoral, il est à craindre que d’ici 50 ans Libreville aura disparu», prévient-il.
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Face à l’urgence, les réponses des autorités locales restent timorées. Du côté de la municipalité de Libreville, les élus multiplient les campagnes de sensibilisation, mais peinent à agir en profondeur.
«Nous encourageons les populations à maintenir les bras de mer dans un état de propreté permanent», explique Axel Jesson Ayenoue, délégué spécial du 4ᵉ arrondissement de Libreville. Mais au-delà de la sensibilisation, les habitants attendent des actions concrètes.
Au Gabon, les régions littorales couvrent une superficie d’environ 45.354 km² et 61% de la population du pays sont concentrés autour de deux grandes agglomérations: Libreville et Port-Gentil.
80% des plages gabonaises sont en érosion
D’après les conclusions d’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC relevant de l’ONU), le niveau de la mer a augmenté de 15 cm à l’échelle mondiale, soit de 3,6 mm par an.
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Une étude intitulée «Elévation du niveau de la mer dans la zone côtière du Gabon» du ministère de l’Environnement, juge la situation «particulièrement inquiétante» et que 80% des plages gabonaises sont en érosion contre 20% en accrétion.
Un terminal pétrolier menacé
Cette avancée des eaux est une menace directe sur les infrastructures: «Les conséquences de l’élévation du niveau de la mer seront beaucoup plus importantes sur l’ile Mandji. Dans cette région, la submersion marine déjà en cours aura des conséquences plus lourdes à horizon 2100. Le terminal pétrolier et une bonne partie de la ville auront disparu».
Devant de tels développements, experts et citoyens s’accordent: sans une stratégie nationale forte incluant régulation stricte de l’extraction de sable, gestion des déchets, replantation de mangroves et encadrement de l’urbanisation côtière, Libreville risque de voir son avenir englouti par les flots.