Il n’y a pas si longtemps que cela, le recours au divorce était rare et la simple évocation de ce sujet dans une communauté au Cameroun suffisait à jeter l’effroi. Le divorce, on le laisse aux Occidentaux, disait-on alors. Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et les mentalités bien changé, ce qui laisse dire aux spécialistes du droit que les demandes de divorce en justice ont quasiment triplé depuis 20 ans.
Les statistiques sur l’état civil au Cameroun étant lacunaires, ce chiffre est à prendre avec des pincettes. Le rapport sur les statistiques de l’état civil au Cameroun ne couvre que la période 2018-2022 et ne permet donc pas de suivre l’évolution quantitative de la séparation entre époux.
Il ressort de cette enquête que «44% de femmes âgées de 15-49 ans ont déclaré être mariées, et 13 % étaient en union libre (vivant avec un homme comme si elles étaient mariées). Ces pourcentages sont respectivement de 30 % et 12 % chez les hommes de la même tranche d’âges.» En 2018, poursuit le rapport, «1,4% de femmes sont divorcées et 4,5% vivent séparées de leur conjoint. Chez les hommes, ces proportions sont respectivement de 0,4% et de 3,4%.» Les causes sont à chercher du côté de l’adultère, la condamnation de l’un des époux à une peine afflictive et infamante, les excès, sévices ou injures.
Me Calvin Ndjock Libom est avocat au Barreau du Cameroun et dit avoir constaté une sensible augmentation des demandes de divorce qu’il reçoit à son cabinet, «depuis quelque temps, mon cabinet reçoit en grand nombre les demandes de divorces. En un mois nous pouvons en recevoir cinq et ont même dépassé les litiges fonciers qui avaient la palme d’or des procès», a-t-il déclaré. Selon des sources de presse, dans le seul tribunal de grande instance du Wouri, 136 dossiers de demandes de divorce ont été enregistrés entre mars et décembre 2018, 149 en 2019 et 96 entre janvier et juillet 2020.
Comment expliquer que deux époux ne veulent plus vivre sous le même toit? Seuls les intérêts pécuniaires et matériels unissent répond dame Doris Elend rencontrée au centre-ville de Yaoundé: «Le monde actuel est devenu très matérialiste. Homme comme femme, chacun réfléchit d’abord à la manière de gagner sa vie en se mariant. Une fois ce dernier célébré, il arrive malheureusement que les moyens matériels et financiers fassent défaut. Ce qui entraine automatiquement la rupture entre les conjoints.»
Pour certaines personnes, la désunion entre époux est due à l’abandon des traditions et des coutumes par les communautés. Et ce n’est pas le notable Ekang, Sosthène Eloundou Awona, qui soutiendrait le contraire: «à l’époque de nos parents, le mariage ne se limitait pas au mari et à sa femme. C’était une affaire qui impliquait deux familles. Bien avant la mise en relation des deux futurs époux, les aînés passaient au peigne fin cette relation pour éviter les cas d’inceste et de toute malédiction ayant antérieurement frappé l’une des deux familles. A ce jour, les jeunes se marient à la première rencontre sans que cela n’émeuve personne. Il suffit que l’un ou l’autre ait de l’argent et le mariage est vite célébré».