Les mineurs clandestins sud-africains face au crépuscule du charbon

Exploitation du charbon destiné à la centrale électrique de Kusile en Afrique du Sud

Exploitation du charbon destiné à la centrale électrique de Kusile en Afrique du Sud. AFP or licensors

Le 01/12/2025 à 09h08

En grandissant, Cyprial rêvait de devenir avocat. Adulte, il passe ses journées sous terre, dans une obscurité totale, à piocher la roche d’une mine de charbon clandestine en Afrique du Sud.

Le grondement des brouettes résonne dans les tunnels étroits où lui et des dizaines d’autres hommes travaillent depuis l’aube. Certains creusent la paroi rocheuse, leurs faibles lampes frontales perçant à peine l’obscurité.

D’autres poussent des charges pesant jusqu’à 100 kilogrammes à pleine vitesse dans les tunnels, puis sur une colline escarpée jusqu’aux camions servant à livrer le charbon à des vendeurs informels dans la ville voisine d’Ermelo, dans la province orientale du Mpumalanga, coeur charbonnier du pays.

Ils pénètrent par un tunnel de fortune dans cette colline éventrée abandonnée par une entreprise minière.

L’Afrique du Sud figure parmi les principaux producteurs mondiaux de charbon, qui alimente environ 80% de l’électricité du pays.

Classé parmi les 12 plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde, le pays est devenu en 2021 le premier au monde à signer un accord de partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) avec des pays occidentaux, pour un total de 8,5 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros). Principalement des prêts à conditions préférentielles destinés à financer la production d’énergies moins polluantes.

Si la majeure partie de l’électricité est produite dans le Mpumalanga, les habitants disent avoir peu bénéficié de l’exploitation minière à grande échelle. Ils craignent que la transition énergétique ne les laisse à nouveau de côté.

«Artisanaux» ou «illégaux»?

«Dans le puits, c’est noir comme dans un four. On ne peut même pas voir son doigt», explique Cyprial, en tirant sur un joint pour l’aider à «faire disparaître toutes (s)es peurs».

«La moitié des jeunes d’ici à Ermelo font ce travail», affirme cet homme qui s’exprime sous pseudonyme par peur de représailles des autorités.

Avec un taux de 34%, le Mpumalanga est encore plus touché par le chômage que le reste du pays.

Le charbon d’Ermelo alimente des centrales du pays et de l’étranger mais de nombreux habitants ici vivent dans des cabanes sans accès à l’électricité.

«Ce minerai vient de chez nous, mais il est pris pour être vendu ailleurs... alors que les gens d’ici n’en bénéficient pas», explique Cyprial à l’AFP.

Le gouvernement qualifie Cyprial et les autres de «mineurs illégaux», mais ils préfèrent le terme «mineurs artisanaux».

«Ce charbon, on le transporte vers des habitations pour que des gens puissent l’utiliser pour cuisiner et se chauffer», déclare Jabulani Sibiya, représentant de l’union des mineurs artisanaux d’Ermelo.

L’électricité produite dans le Mpumalanga est trop chère pour de nombreux habitants, une situation qui « n’est pas juste » selon lui.

Le président Cyril Ramaphosa a qualifié ces mineurs de «menace» pour l’économie et la sécurité du pays, et les autorités tentent d’éradiquer cette activité. Il y avait plus de 40.000 mineurs clandestins en Afrique du Sud en 2021, d’après les estimations, mais principalement dans des mines d’or.

Transition vraiment «juste»?

Les mineurs artisanaux d’Ermelo ont demandé un permis minier collectif, mais le processus est coûteux et lent, explique Zethu Hlatshwayo, porte-parole de l’Association nationale des mineurs artisanaux (NAAM).

Cette année, le gouvernement a introduit un projet de loi destiné à faciliter la formalisation de l’exploitation minière artisanale. Mais le processus est entravé par la «paperasserie», déplore Zethu Hlatshwayo.

«Il faut avoir un terrain, des permis, une autorisation environnementale», liste-t-il, en estimant le coût total à trois millions de rands (150.000 euros).

Pour lui, une «transition juste» doit permettre aux gens ordinaires d’accéder aux richesses minières de l’Afrique du Sud. Cela corrigerait, d’après Zethu Hlatshwayo, «les injustices du passé», en référence à l’apartheid, quand la lucrative industrie minière était le domaine réservé des Sud-Africains blancs.

L’exploitation minière ne disparaîtra pas avec l’abandon du charbon, tant les matières premières stratégiques présentes dans le sous-sol sud-africain sont nécessaires à la fabrication de panneaux solaires ou de voitures électriques.

Il est essentiel «d’inclure la durabilité et les mineurs artisanaux de communautés marginalisées», plaide Zethu Hlatshwayo. «Ce ne sera pas une transition juste si on est laissés de côté».

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 01/12/2025 à 09h08