Libreville: cette eau qui n’étanche pas la soif

Des jeunes remplissant des bidons d'eau à Libreville.

Le 03/09/2025 à 11h05

VidéoTrois mois après l’inauguration d’une nouvelle station de pompage financée par la Banque africaine de Développement, les habitants de nombreux quartiers de Libreville continuent de se battre au quotidien pour s’approvisionner en eau potable.

Malgré les promesses et les rubans coupés, le précieux liquide se fait toujours cruellement rare dans la capitale gabonaise. En juin dernier, le président Brice Clotaire Oligui Nguema inaugurait pourtant une nouvelle station de pompage, pièce maîtresse d’un vaste programme de 117,4 millions.

Financée par la Banque africaine de Développement, le fonds chinois Africa Growing Together Fund, le Programme intégré d’alimentation en eau potable et d’assainissement, cette infrastructure, d’une capacité de 57.600 m³ par jour, permettra de desservir plus de 300.000 habitants, soit environ 31% de la population de la capitale.

Pourtant, sur le terrain, le bilan est amer. Dans les secteurs périphériques de la ville, le branle-bas de combat est quotidien. Devant des installations de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) laissées à l’abandon, des familles se bousculent pour tenter de capter une eau qui ne coule plus dans leurs robinets.

Le désespoir a une voix, celle de David Sague, habitant du secteur «Derrière l’Assemblée», qui témoigne d’une décennie de décrépitude: «ça fait déjà dix ans que ça dure.... Dans ce secteur rasé, les conduites d’alimentation en eau potable des maisons détruites sont ouvertes et l’eau coule en permanence. C’est cette eau que les populations viennent récolter. Je ne sais si c’est légal ce que nous faisons mais on y peut rien.» Une pratique de survie illégale mais devenue nécessaire, symptôme d’un système en panne.

Face à ce manque, un business de la dernière chance s’est organisé. Abdoulaye Bâ, commerçant, expose la lourde facture de cette pénurie «pour avoir de l’eau nous sommes obligés de payer les services des transporteurs. Ça nous coûte en moyenne 2.500 francs CFA par jour.» Un budget qui grève le pouvoir d’achat des Librevillois et creuse les inégalités.

Ces sauveurs, ce sont des porteurs d’eau comme Janvier Ndong. Avec son équipe, il arpente les rues pour proposer ses services, incarnant le paradoxe d’une capitale où l’eau se transporte à la brouette «avec mon équipe, nous faisons le tour des maisons qui n’ont pas d’eau pour proposer nos services... Nous transportons cette eau à la brouettes.» Une image d’un autre âge qui souligne l’ampleur des défaillances.

Enfin, l’épuisement et la lassitude se lisent dans le propos de Willy Ondo, Notable du boulevard, qui décrit un service erratique et défaillant «l’eau part et revient. Mais quand elle disparaît, l’eau met plusieurs mois pour revenir. Nous sommes fatigués de nous plaindre

Entre les ambitions affichées du Plan d’accélération de la transformation du Gabon et le vécu des populations, le fossé semble abyssal. L’inauguration de juin apparaît comme un mirage pour des milliers d’habitants qui, trois mois plus tard, attendent toujours que l’eau coule de source.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 03/09/2025 à 11h05