Le Salon des médias, évènement phare du paysage médiatique malien, a ouvert ses portes le 31 mai 2024 dans un contexte particulièrement tendu autour des questions de liberté de la presse. En effet, les autorités maliennes ont récemment pris des mesures restrictives à l’encontre des médias, suscitant de vives réactions et préoccupations quant au respect de la liberté d’expression dans le pays.
Parmi ces mesures figurent l’interdiction faite aux médias de couvrir les activités des partis politiques et des associations à caractère politique. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la suspension des activités de ces organisations sur l’ensemble du territoire national, décidée par les autorités.
Dans ce contexte délicat, la 3ème édition du Salon des médias, placée sous la présidence du ministre de la Communication et de la Modernisation de l’Administration, Alhamdou Ag Ilyène, revêt une importance symbolique particulière. Avec pour thématique centrale la professionnalisation des médias, cet évènement se veut un espace de dialogue et de réflexion sur les enjeux auxquels le secteur est confronté.
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Selon Issa Kaba Sidibé, président du comité d’organisation, cet évènement vise à rapprocher les professionnels des médias de leur public, favorisant ainsi une meilleure compréhension mutuelle et une plus grande transparence. « C’est un espace de dialogue initié en 2022, où les auditeurs, les téléspectateurs et les followers peuvent échanger directement avec les acteurs médiatiques », souligne-t-il.
Au cœur des débats de cette édition, la professionnalisation des médias aborde sous diverses facettes, reflétant les défis multidimensionnels auxquels le secteur est confronté. Les panels réunissent d’éminentes personnalités du paysage médiatique malien, offrant ainsi une plateforme d’échanges et de réflexions approfondies.
L’une des innovations marquantes de cette édition réside dans « l’école du salon », un programme de formation destiné à 15 jeunes talents prometteurs. Encadrés par des experts, ces derniers bénéficieront de sessions dédiées à l’utilisation de l’intelligence artificielle, à la vérification de l’information et au montage vidéo, autant de compétences indispensables pour s’affirmer dans le paysage médiatique actuel.
Valorisation des professionnels du secteur
Au-delà de son rôle de plateforme d’échanges, le Salon des médias se veut également un espace de promotion et de valorisation des professionnels du secteur. Pour Augustin Fodou, l’un des participants, «le salon est une opportunité unique de réseautage et de rapprochement avec le public». Il ajoute que cet évènement permet aux médias d’améliorer le contenu de leurs productions, en étant plus à l’écoute des attentes de leur audience.
Cependant, force est de constater que le chemin vers un paysage médiatique véritablement libre et professionnel reste semé d’embûches au Mali. Les mesures restrictives récemment imposées par les autorités soulèvent des interrogations légitimes quant à l’avenir de la liberté de la presse dans le pays.
Dans un État de droit démocratique, la liberté d’expression et la liberté de la presse constituent des piliers fondamentaux, garantes d’une information plurielle et d’un débat public sain. Or, les interdictions visant spécifiquement la couverture des activités politiques représentent une entrave majeure à l’exercice du journalisme et à la mission d’information des citoyens.
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En bridant la liberté d’expression, les autorités maliennes risquent d’alimenter la défiance du public envers les médias traditionnels, au profit de sources d’information alternatives, souvent peu fiables.
Dans ce contexte tendu, le Salon des médias se doit d’être un espace de dialogue constructif entre les différents acteurs concernés. Il incombe aux professionnels de défendre leur indépendance éditoriale et leur droit à une couverture libre et impartiale de l’actualité politique. Parallèlement, les autorités doivent être sensibilisées aux enjeux démocratiques liés à une presse libre et pluraliste.
Seule une approche concertée et respectueuse des principes fondamentaux de la liberté d’expression permettra de résoudre cette crise et de préserver l’intégrité du paysage médiatique malien. Le Salon des médias pourrait être le catalyseur de cette démarche, en offrant une plateforme de discussions ouvertes et en rappelant l’importance primordiale d’une presse indépendante dans une société démocratique.
En définitive, si le Salon des médias se veut une vitrine du professionnalisme et de l’innovation dans le secteur, il ne peut faire l’économie d’un débat approfondi sur les entraves à la liberté de la presse. Car sans liberté, le professionnalisme des médias perd une grande partie de sa substance et de sa raison d’être.