Organisation Météorologique Mondiale: les prévisions alarmantes pour la période août-octobre en Afrique

Thermomètre sous un ciel nuageux.

Le 20/08/2025 à 13h31

Alors que le Maroc suffoque sous des vagues de chaleur, les prévisions de l’Organisation Météorologique Mondiale pour août-octobre 2025 dessinent une Afrique fracturée: réchauffement inéluctable au Nord, sécheresse critique à l’Ouest, inondations menaçantes à l’Est.

La récente mise à jour saisonnière de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) pour août-septembre-octobre 2025 dessine un tableau climatique pour l’Afrique qui mérite notre attention. Alors que les tendances globales pointent vers un réchauffement persistant, les dynamiques régionales révèlent des vulnérabilités à suivre de près.

Disons que la mise à jour de l’OMM souligne un paradoxe africain. Si le Nord subit un réchauffement attendu, le reste du continent navigue entre risques hydriques opposés (Est excédentaire, Ouest déficitaire) et incertitudes majeures (Sud).

Cette période août-octobre 2025 rappelle que la résilience climatique de l’Afrique repose sur un maillage fin de données locales et une coopération transfrontalière renforcée– des impératifs encore loin d’être satisfaits.

Zoom sur les implications de ces prévisions pour le continent, en soulignant les zones de certitude et d’incertitude critique.

Températures supérieures à la normale au Nord

Selon l’OMM, l’Afrique du Nord présente une probabilité élevée de températures supérieures à la normale, résultat d’une cohérence exceptionnelle entre les modèles climatiques. Une prévisibilité robuste qui s’explique par l’influence dominante des anomalies chaudes persistantes des températures de surface de la mer (SST) dans les bassins océaniques adjacents, couplée à la stabilité des schémas atmosphériques des latitudes moyennes septentrionales.

C’est le lieu de noter que depuis près de deux semaines, 19 villes marocaines ont dépassé 40°C, avec des températures 3 à 13°C au-dessus des normales saisonnières. Des événements qui confirment les effets du réchauffement climatique, avec un climat plus aride dans le sud et le centre du pays.

En août 2025, une nouvelle vague de chaleur intense s’est manifestée, accompagnée du chergui (vent chaud du désert) et d’averses orageuses avec grêle et rafales de vent.

Du 8 au 12 août, des températures ont été observées entre 39 et 48°C selon les provinces, allant notamment jusqu’à 48°C dans des provinces comme Tata, Taroudant, et Oued Ed-Dahab.

D’autres provinces ont enregistré entre 39 et 44°C. Cette vague de chaleur s’est prolongée avec des températures allant jusqu’à 47°C dans plusieurs provinces du sud et du centre du Maroc entre le 12 et le 16 août.

L’Égypte également vit en août 2025 une période de chaleur estivale très forte, classique mais éprouvante, avec des pics élevés. Une vague de chaleur qui s’inscrit dans une fourchette attendue pour cette saison. En revanche, l’Afrique australe et le golfe de Guinée affichent une incertitude prononcée. Les modèles y montrent une faible cohérence, avec seulement une augmentation modeste des probabilités de chaleur.

Selon l’OMM, cette divergence reflète l’impact de facteurs locaux mal résolus, tels que la variabilité de la convection atmosphérique ou la réponse aux SST de l’Atlantique tropical sud, restées proches des niveaux normaux. Une dichotomie qui souligne le défi de prévoir les extrêmes thermiques dans les régions où les interactions océan-atmosphère locales atténuent les signaux climatiques globaux.

Afrique de l’Est: excès pluviométriques

L’Afrique de l’Est, s’étendant de l’Éthiopie au Sahel central, présente une probabilité accrue de précipitations supérieures à la normale, appuyée par une cohérence modérée à forte des modèles. Un signal pluviométrique qui est principalement piloté par deux facteurs océaniques interconnectés: la transition vers une phase négative du Dipôle de l’océan Indien (IOD), qui facilite un flux d’humidité renforcé vers l’est du continent, et des anomalies chaudes persistantes dans l’ouest de l’océan Indien, amplifiant durablement l’activité convective.

Des conditions quoi pourraient atténuer les stress hydriques dans les zones arides de la Corne de l’Afrique, mais accroissent significativement les risques d’événements d’inondations dans les bassins fluviaux vulnérables comme ceux du Nil ou du Chari, soulignant la dualité des impacts potentiels.

Afrique de l’Ouest: déficit pluviométrique critique

À l’opposé, le golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest subit une dynamique inverse, avec des probabilités accrues de précipitations inférieures à la normale, confirmées par une cohérence modérée à élevée des projections. Un déficit pluviométrique critique qui découle directement de deux mécanismes clés: des températures de surface de la mer (SST) proches de la normale dans l’Atlantique tropical nord (NTA), limitant l’évaporation et la recharge atmosphérique en humidité, et un affaiblissement anticipé de la mousson ouest-africaine, corrélé aux prévisions de sécheresse synchronisées en Amérique centrale et dans les Caraïbes.

Une combinaison de facteurs qui menace particulièrement les systèmes agricoles pluviaux, où une réduction soutenue des pluies pourrait exacerber l’insécurité alimentaire dans des économies agraires clés, notamment au Nigeria, au Ghana et en Côte d’Ivoire, régions fortement dépendantes des cultures vivrières et d’exportation sensibles au régime hydrique.

Afrique australe: zones d’incertitude

L’Afrique australe (incluant l’Angola, la Zambie et le Mozambique) est la grande oubliée des certitudes modélisées. Les prévisions n’indiquent aucune tendance claire pour les températures ou les pluies, avec des probabilités équivalentes pour les trois catégories (supérieure/normale/inférieure). Une incertitude qui reflète la complexité des interactions entre l’océan Indien sud-ouest, le courant d’Agulhas et les systèmes dépressionnaires extratropicaux, malgré des SST globalement chaudes.

Vulnérabilités en cascade

Le contraste pluviométrique entre l’Afrique de l’Ouest et l’Est déclenche des vulnérabilités économiques en cascade, particulièrement dans les secteurs clés. En Afrique de l’Ouest, le déficit pluviométrique projeté menace directement l’agriculture pluviale, compromettant les cultures commerciales stratégiques comme le cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana (premiers producteurs mondiaux) et le coton au Nigeria, piliers des exportations et de l’emploi rural. En parallèle, en Afrique de l’Est, les excès de précipitations attendus risquent de dégrader les rendements des cultures de haute valeur comme le café éthiopien et le thé kényan, en favorisant maladies fongiques et pourriture des récoltes via une humidité excessive.

Dans le domaine énergétique, la réduction persistante des pluies dans le golfe de Guinée pourrait entraîner une baisse critique du débit des fleuves Volta et Niger, affectant la production hydroélectrique qui fournit jusqu’à 60% de l’électricité dans des pays comme le Ghana, avec des risques de rationnement industriel et de hausses tarifaires.

Sur le front humanitaire, cette bipolarité climatique exacerbe les défis de sécurité. Les sécheresses ouest-africaines pourrait menacer l’accès à l’eau potable et aux pâturages, tandis que les inondations potentielles en Afrique de l’Est pourraient déplacer des populations dans des bassins fluviaux densément peuplés comme le Nil Bleu.

Des projections qui confirment que l’Afrique subit une variabilité climatique amplifiée, où des anomalies océaniques minimes– comme la phase négative de l’IOD ou la transition vers La Niña– générant des impacts socio-économiques disproportionnés. D’où l’urgence d’une surveillance en temps réel.

La convergence de ces risques expose crûment la limite des capacités d’adaptation locales, nécessitant des révisions immédiates des plans d’urgence dans des régions aux ressources institutionnelles et financières contraintes.

Prévisions Août-Octobre 2025: l’Afrique entre Canicules, inondations et déficits critiques

Région/PaysPhénomène climatique dominant (août-Oct 2025)Impacts clésSource de prévisibilité
Afrique du NordTempératures supérieures à la normaleVagues de chaleur, aridité accrue, vents chauds (chergui), notamment au Maroc et en Égypte.Cohérence exceptionnelle des modèles, SST chaudes persistantes en Méditerranée/Atlantique Nord
Afrique de l’EstExcédent pluviométriqueRisques d’inondations (Nil, Chari), réduction des stress hydriquesTransition vers IOD négatif + SST chaudes dans l’ouest de l’océan Indien
Afrique de l’OuestDéficit pluviométrique critiqueSécheresse agricole, menaces sur cacao (Côte d’Ivoire, Ghana) et coton (Nigeria)SST normales en Atlantique tropical Nord + affaiblissement de la mousson
Afrique australeAucune tendance claireIncertitudes sur agriculture et ressources en eauFaible cohérence des modèles (interactions complexes océan-atmosphère)

Source: Organisation Météorologique Mondiale (OMM).

Par Modeste Kouamé
Le 20/08/2025 à 13h31