Piraterie maritime : les 2 points chauds des côtes africaines détrônés

Le détroit de Singapour et les côtes indonésiennes représentent désormais plus de deux tiers des incidents signalés.

Le 15/08/2024 à 10h36

Le golfe de Guinée et les eaux au large de la Somalie, qui étaient les deux principales zones à risque pour la piraterie maritime dans un passé récent, sont désormais dépassées par d’autres points chauds, en particulièrement en Asie du Sud-Est. Les statistiques du Bureau maritime international pour le premier semestre 2024 dressent un état des lieux.

L’Afrique demeure en première ligne face aux points chauds persistants de la piraterie maritime, avec près d’un tiers des 60 incidents signalés dans le monde au premier semestre 2024. Alors que le nombre global d’incidents de piraterie maritime a légèrement diminué sur la période, les statistiques du Bureau maritime international (IMB) soulignent deux points chauds majeurs en Afrique où la menace reste préoccupante : les eaux au large de la Somalie et le golfe de Guinée. Si le premier point chaud est beaucoup médiatisé, le second un peu moins.

Le golfe de Guinée est la vaste zone maritime qui s’étend sur près de 5.700 kilomètres de côtes, du Sénégal à l’Angola, englobant ainsi les eaux territoriales d’une vingtaine de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Cette région stratégique pour le commerce maritime mondial concentre de nombreux ports et terminaux pétroliers, attisant les convoitises des groupes pirates qui y sévissent.

Les zones les plus touchées restent les eaux territoriales du Nigéria, du Togo, du Bénin et du Ghana où se produisent la majorité des attaques et des prises d’otages visant les navires de commerce et les plates-formes pétrolières offshore. Sur les cinq zones à haut risque suivies de près par l’IMB, ces deux zones africaines concentrent près d’un tiers des 60 incidents signalés dans le monde entre janvier et juin 2024, soit 18.

La piraterie somalienne refait surface de manière inquiétante

Après quelques années de relative accalmie, la piraterie somalienne connaît une résurgence alarmante en 2024 avec 8 incidents recensés, dont trois détournements de navires. Cette recrudescence démontre la capacité persistante des pirates somaliens à cibler des navires jusqu’à 1000 milles nautiques au large, menaçant directement les principales routes maritimes de la région.

Ces chiffres contrastent avec les années précédentes où aucun incident n’avait été signalé au large de la Somalie entre 2020 et 2023. L’IMB appelle à la plus grande vigilance et au renforcement des mesures de sécurité à bord des navires empruntant ces eaux à haut risque.

Le golfe de Guinée, un point noir persistant

« Si le nombre d’incidents a légèrement reculé dans le golfe de Guinée, passant de 14 en 2023 à 10 au premier semestre 2024, cette zone maritime d’Afrique de l’Ouest reste une zone particulièrement préoccupante en raison de la violence des actes perpétrés », souligne directeur de l’IMB, Michael Howlett. Sur les 11 cas de kidnapping d’équipages recensés dans le monde, 10 se sont produits dans le golfe de Guinée lors de deux incidents distincts. Un autre incident a vu 21 membres d’équipage pris en otage.

Face à cette menace persistante, l’IMB réitère l’urgente nécessité d’un renforcement de la présence navale régionale et internationale pour répondre à ces actes de piraterie et préserver les vies humaines en mer.

Brûlots maritimes asiatiques : l’autre visage de la piraterie

Loin des côtes africaines, la piraterie maritime prend un tour inquiétant en Asie du Sud-Est. Alors que les actes de piraterie diminuent au large de la Somalie et dans le golfe de Guinée, certaines régions d’Asie voient flamber les chiffres, dépassant largement les zones africaines. Ainsi, le détroit de Singapour et les côtes indonésiennes représentent plus de deux tiers des incidents signalés.

Le détroit de Singapour et les eaux indonésiennes, points stratégiques des routes maritimes mondiales, concentrent les nouveaux foyers d’insécurité pour le trafic international. Une tendance qui soulève de sérieuses inquiétudes économiques et géopolitiques.

Les statistiques de l’IMB pour le premier semestre 2024 sont révélatrices. Si seulement 18 incidents ont été recensés au large de l’Afrique, la région Asie de l’Est et du Sud-Est en comptabilise 29 à elle seule. Un bond de près de 40% par rapport à la même période en 2023.

L’archipel indonésien est particulièrement touché avec 12 incidents rapportés, soit le plus haut niveau depuis 2021. Une recrudescence manifeste des vols à main armée dans les eaux territoriales de ce vaste pays insulaire. Le Bangladesh voisin connaît aussi une flambée préoccupante, passant d’1 à 10 incidents en un an.

Le détroit de Singapour, voie maritime vitale reliant l’océan Indien à la mer de Chine méridionale, est également dans le viseur des pirates avec 13 attaques recensées au premier semestre 2024. Un chiffre en baisse mais qui cache une montée de la violence : prise d’otages d’équipages, armes à feu et armes blanches utilisées.

Violence et prises d’otages en hausse

C’est d’ailleurs l’augmentation inquiétante des violences envers les marins qui marque ce nouveau visage de la piraterie maritime. Dans le monde, 98 membres d’équipage ont été victimes d’actes hostiles au premier semestre 2024, contre seulement 36 un an plus tôt.

Les pirates d’Asie du Sud-Est semblent privilégier les prises d’otages pour réclamer des rançons. Une tendance particulièrement marquée dans le détroit de Singapour où 10 marins ont été capturés dans 6 incidents distincts. Une brutalité qui pourrait s’expliquer par la présence de groupes criminels très organisés dans cette région stratégique.

Si le nombre total d’incidents a légèrement reculé, les statistiques de l’IMB font état d’une inquiétante augmentation de la violence et des prises d’otages à l’échelle mondiale. 98 membres d’équipage ont été impactés, avec 85 prises d’otage contre 36 en 2023. Des armes à feu et des couteaux ont été utilisés dans 34 incidents sur 59.

Cette tendance à la violence accrue met en lumière les risques persistants pour la sécurité des marins malgré les évolutions globalement positives des chiffres de la piraterie.

De sombres enjeux économiques

Au-delà du drame humain, ces actes représentent une lourde menace économique pour les puissances maritimes mondiales et l’ensemble des échanges commerciaux internationaux qui transitent par ces points névralgiques.

Un défi sécuritaire de taille se profile donc pour les marines des pays impactés, amenées à redoubler de moyens et de coordination pour enrayer ce fléau. Une lutte ardue tant les zones maritimes sont vastes et complexes à surveiller.

Nombre total d’incidents signalés par région (janvier à juin 2024) :

PaysNombre d’incidents
Asie de l’Est et du Sud-Est29
Sous-continent indien12
Afrique (Golfe de Guinée)10
Afrique (au large de la Somalie)8
Amériques1

Source : Bureau maritime international (IMB)

Par Modeste Kouamé
Le 15/08/2024 à 10h36