À Nkoltang-rails, le train occupe une place de choix. C’est d’ailleurs le chemin de fer qui est à l’origine de ce village. Peu après 1978, date de la mise en service du Transgabonais, cette communauté rurale a développé des activités commerciales: boutiques, bars, marché de produits agricoles. Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve une forte concentration humaine autour de la voie ferrée. Une étape du tronçon Transgabonais depuis Franceville, située au Sud- Est du pays, qui enregistre régulièrement es déraillements de wagons.
En février 2014, un train de marchandises était entré en collision avec un minibus qui transportait sept passagers, un père et ses six enfants. Aucun n’a survécu. Selon les témoins, le chauffeur du véhicule avait tenté de traverser la voie ferrée sans avoir prévu l’arrivée du train. L’absence d’un passage à niveau à cet endroit était la principale cause de cet accident mortel. Le parquet de Libreville avait à l’époque tenu la société d’exploitation du Transgabonais, responsable d’homicide involontaire.
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«Dormir tranquillement et soudainement se faire réveiller en plein milieu de la nuit par un terrible fracas. Tel est notre quotidien, même le logement se met à vibrer», se lamente Jeannel, ce sexagénaire qui n’est pas près d’oublier le drame du 3 février 2014.
Ce cas n’est pas unique et montre combien la question de la sécurité est devenue prioritaire pour la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag) qui s’est engagée dans des investissements de sécurité autour de la voie ferrée. L’une des solutions a été la construction des passerelles piétonnes. Selon la Société, «l’emprise légale du chemin de fer s’étend sur 40 m de part et d’autre de l’axe des voies, mais pour minimiser les impacts potentiels sur les gens qui se sont installés sur les bords du chemin de fer, il a été décidé de restreindre la zone franche d’activités à 15 m de part et d’autre». Un chantier titanesque débuté en 2020 et dont la livraison se fait toujours attendre.
La Setrag, accusée d’avoir manqué à ses obligations de sécurité, aurait donc pris, entre autres mesures, celle de déloger les populations installées sur l’emprise du chemin de fer. Un projet qui se fait toujours attendre, selon Ewige, témoin de cet accident de train. «Il était question de nous faire déguerpir avec des mesures d’accompagnement. Mais jusqu’aujourd’hui, il n’y a rien», déclare la commerçante de 55 ans.
En attendant l’exécution du plan de déguerpissement des squatters de Nkoltang-rails, le gouvernement a engagé les travaux de remise à niveau (PRN) du chemin de fer gabonais. L’objectif est de remplacer sur 647 km d’Owendo à Franceville, les rails et les traverses en bois par celles en béton. Un chantier qui crée une intense activité de trains de service sur la voie ferrée. De quoi amplifier les craintes des populations. «Ce que nous craignons ici ce sont les déraillements. S’il y a déraillement nos vies sont en danger», redoute, Jean Baptiste, habitant de Nkoltang-rails.
Des années après le dernier accident mortel survenu à Nkoltang-rails, le sentiment d’impuissance se mêle à l’inquiétude parmi les occupants de l’emprise du chemin de fer. «On nous a recensé et ils nous ont demandé d’attendre. Entre-temps, les nuisances sonores qui précèdent le passage des trains nous bouleversent au point ou il nous est impossible de dormir la nuit», explique Charlot, notable de Nkoltang.