Dans un atelier de Munyax Eco, entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables à Kigali, Charlène Byukusenge ajuste délicatement les composants d’une lampe solaire destinée à l’éclairage public. Concentrée et méthodique, elle assemble chaque pièce avec une maîtrise qui ne laisse place à aucun doute: elle est chez elle dans cet univers de câbles, de circuits et de panneaux photovoltaïques.
« Là, nous sommes entrain de faire l’assemblage d’une lampe solaire destinée à l’éclairage public. Au début, toutes les pièces sont séparées et avant de la fixer, on doit procéder à l’assemblage des pièces», explique-t-elle.
Mais rien n’était écrit d’avance. Charlène a grandi dans un village où l’électricité était inexistante. Le soir, elle révisait à la lumière vacillante d’une lampe à pétrole ou, lorsqu’il y avait un peu d’argent, avec des bougies. «C’était cher et nos parents ne pouvaient pas toujours se le permettre. On utilisait alors des vieilles piles de radio qu’on reliait avec un câble pour créer un peu de lumière. C’est comme ça qu’on révisait», se souvient-elle.
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C’est là, au cœur de cette pénombre, que s’est allumée une étincelle. «J’étais convaincue qu’il existait une autre manière, plus développée, de créer de la lumière», dit-elle. La découverte du cours d’électricité au secondaire, dans le programme de physique, a été le déclic. Le reste a suivi: études techniques et puis spécialisation en électricité à l’université.
Si elle a dû faire sa place dans un univers largement masculin, elle ne s’en plaint pas. «J’étais souvent la seule fille en classe, mais je me débrouillais très bien. Plusieurs fois, j’ai été meilleure dans les examens pratiques que les garçons. Et ils le prenaient plutôt bien.»
Aujourd’hui, chez Munyax Eco, Charlène ne se sent plus seule. L’entreprise, majoritairement dirigée par des femmes, a su créer un environnement inclusif où les compétences priment sur les stéréotypes. «Par exemple, Pauline, la responsable du département des panneaux solaires, est une femme ingénieuse. Et sur le terrain, elle assure tout autant que les hommes. Franchement, je trouve que tout est question de leadership.»
Son collègue Victor Ntunguwuhe abonde dans le même sens. «Personnellement, je ne vois aucune différence de performance entre les hommes et les femmes dans notre travail. Quand je fais équipe avec Charlène ou un homme, on accomplit nos tâches sans qu’on relève de différences.»
L’histoire de Charlène s’inscrit dans un contexte national encourageant. Le Rwanda, qui place la promotion du genre au cœur de ses politiques publiques, affiche des progrès notables dans les domaines techniques et scientifiques. Selon le Rapport sur l’éducation et la formation professionnelle 2024 de l’Institut National des Statistiques du Rwanda (NISR) 51% des filles sont inscrites dans des programmes STEM (Science, technology, engineering, and mathematics) au secondaire supérieur, contre 66% des garçons.
Au niveau universitaire, 32% des étudiantes poursuivent des études dans les filières STEM, comparé à 51% des hommes. La proportion de femmes dans les écoles polytechniques est passée de 13% en 2016 à 30% en 2025. Les femmes représentent 35,73% du personnel en recherche et développement (R&D) au Rwanda, avec 30,4% de chercheuses qualifiées. Des programmes tels que «Women in Science Research and Innovation Grant Scheme» ont vu le jour pour soutenir les femmes scientifiques à travers le financement de projets innovants.
Si les défis persistent, notamment en matière d’orientation des jeunes filles vers les filières techniques, les exemples comme celui de Charlène illustrent un changement de mentalités et des opportunités concrètes offertes aux femmes. C’est en multipliant ces parcours inspirants que le Rwanda pourra véritablement consolider son ambition d’équité et d’excellence dans les domaines techniques et scientifiques.
Mais pour Charlène, au-delà des politiques publiques, c’est la passion qui fait la différence. «Quand on aime ce qu’on fait, peu importe si on est une femme ou un homme. L’essentiel, c’est de vouloir apprendre, progresser, et faire la différence.»