Le Rwanda fait figure de pionnier en Afrique dans l’utilisation des nouvelles technologies pour améliorer ses services sociaux. Après avoir marqué les esprits avec Zipline, qui livre des médicaments et du sang par drones dans les coins les plus reculés du territoire, le Pays des mille collines récidive, cette fois-ci dans le domaine de la santé publique: la lutte contre la malaria. Grâce à l’usage des drones pour la pulvérisation ciblée d’insecticides dans des zones marécageuses, le pays renforce sa guerre contre cette maladie qui touche encore des millions d’Africains.
Depuis 2017, la malaria est en net recul au Rwanda, et les chiffres officiels confirment les efforts fournis. D’après le Rwanda Biomedical Center (RBC), les drones participent à la destruction des larves de moustiques dans des marais identifiés comme à haut risque.
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«Derrière moi, nous avons un marais de plus de 280 hectares qui est régulièrement pulvérisé par un drone chaque deux semaines. Il y en a un autre, dans le quartier de Kabuye, de plus de 230 hectares. Les deux marais ont été choisis car ils contenaient beaucoup de larves de moustiques et les régions environnantes connaissaient des cas de paludisme en nombres très élevés», explique Phocas Mazimpaka, chargé de la prévention du paludisme au RBC.
Ces drones sont opérés par la société locale Charis UAS, spécialisée dans la cartographie et l’imagerie aérienne. Pour Paul Kamali, directeur de la lutte contre le paludisme chez Charis UAS, l’approche est méthodique: «On procède d’abord à la cartographie de la zone à pulvériser par le drone. Cela nous aide à identifier les masses d’eau stagnante, là où les moustiques se reproduisent. Avec le bon insecticide, on empêche les moustiques d’atteindre l’âge adulte.»
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Cette intervention de précision permet d’agir directement sur le cycle de reproduction des moustiques dans les zones souvent inaccessibles par les méthodes manuelles classiques. Là où les drones ne peuvent aller, des équipes armées de pulvérisateurs à pompe prennent le relais.
Mais les drones ne sont qu’un élément d’une stratégie beaucoup plus large. «L’usage des drones anti-moustiques fait partie d’un vaste programme national de lutte contre le paludisme. Nous savons que nous ne pouvons pas utiliser les drones dans tout le pays, parce que c’est trop cher», reconnaît Phocas Mazimpaka. «C’est pourquoi nous combinons différentes approches selon les régions: pulvérisation domestique, sensibilisation à l’hygiène, mobilisation communautaire… Le plus important, c’est d’éduquer la population sur les moyens simples et efficaces de prévenir la maladie».
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Ainsi, les drones symbolisent une nouvelle génération d’interventions sanitaires, innovantes, ciblées, et adaptées à un contexte de ressources limitées. Si leur usage reste coûteux et réservé à certaines zones critiques, leur efficacité est indéniable.
En effet, les données du Rwanda Biomedical Center montrent qu’entre 2016 et 2022, les cas de paludisme ont chuté de près de 70%, passant de plus de 4,8 millions à environ 1,4 million de cas. Le nombre de décès liés à la malaria est passé quant à lui de 700 par an à moins d’une centaine. Un progrès impressionnant que les autorités attribuent à une combinaison de prévention, d’innovation et d’implication citoyenne.