Santé communautaire: comment le Rwanda adapte l’IA à ses réalités socioculturelles

Le 11/02/2025 à 16h32

Pour pallier le manque de formation médicale de ses agents de santé communautaire, le gouvernement rwandais mise sur les modèles de langage de grande taille, combinant les connaissances de l’IA aux réalités linguistiques locales.

Au Rwanda, les agents de santé communautaire (ASC) jouent un rôle crucial dans la prestation des soins de santé primaires. Cependant, leur manque de formation clinique peut entraîner des retards de diagnostic, des décès évitables et une pression extrême sur le système de santé public. Face à ce défi, le Centre pour la Quatrième Révolution Industrielle du Rwanda a lancé un projet pilote visant à combler les lacunes de connaissances des ASC à l’aide des modèles de langage de grande taille (LLM) alimentés par l’intelligence artificielle. C’est ce que révèle le rapport d’impact de janvier 2025 du Centre pour le réseau de la quatrième révolution industrielle.

Dans le contexte rwandais, les ASC sont véritablement l’épine dorsale des soins de santé primaires. Mais leur manque de formation clinique approfondie constitue un réel frein à l’efficacité du système. Ainsi, les LLM représentent une opportunité unique de mettre à la disposition de ces travailleurs essentiels un vaste réservoir de connaissances médicales, tout en s’adaptant aux réalités linguistiques et culturelles locales.

Concrètement, le projet a donné naissance à un outil exploitant le modèle GPT-4 comme base de connaissances, et utilisant un modèle de traduction anglais-kinyarwanda baptisé «Mbaza» pour permettre une interaction fluide dans la langue nationale. L’accent a été mis dans un premier temps sur la malnutrition, un défi majeur de santé publique au Rwanda.

De 8 à 55% de précision

Les évaluations préliminaires sont prometteuses, soulignant le potentiel des LLM pour impulser un changement positif dans le paysage des soins de santé rwandais. Alors que le modèle de départ affichait 8% de précision seulement, l’outil perfectionné atteint désormais 55% selon des linguistes professionnels, et 71% d’exactitude fonctionnelle.

Bien que prometteur, ce résultat met aussi en lumière les défis restants. Les modèles en source ouverte peinent encore à saisir le kinyarwanda, une langue à la fois riche et peu dotée en ressources numériques. Mais la compréhension de GPT-4 s’est considérablement améliorée en quelques mois seulement. C’est donc un tournant décisif.

Pour la prochaine phase, une évaluation rigoureuse des données utilisées pour entraîner les LLM sera menée, en collectant des questions d’agents de santé communautaire et des réponses de cliniciens. Un essai de l’application IA-augmentée sera également mené sur le terrain, afin d’évaluer les performances dans des conditions réelles, sans perturber le travail des agents.

L’objectif est double, explique l’étude de cas sur le Rwanda, figurant dans le rapport d’impact de janvier 2025 du Centre pour le réseau de la quatrième révolution industrielle. D’une part, fournir un outil d’aide à la décision fiable et adapté aux réalités locales. D’autre part, définir une méthodologie rigoureuse d’évaluation afin de garantir la sécurité et l’efficacité de ces technologies émergentes avant un déploiement à plus grande échelle.

Au-delà du volet technologique, l’adoption réussie des LLM par les agents de santé communautaires dépendra de la capacité des Rwandais à cocréer des solutions tenant compte des dimensions culturelles, des rapports de pouvoir au sein des communautés, et du rôle social déterminant joué par ces travailleurs essentiels.

En somme, cette initiative démontre la volonté d’un pays africain de tirer parti des avancées technologiques de pointe, tout en veillant à les ancrer dans les réalités socioculturelles et sanitaires nationales. Un défi de taille, mais une opportunité inédite de construire un avenir plus équitable et durable pour le système de santé rwandais.

Par Modeste Kouamé
Le 11/02/2025 à 16h32