Sénégal. Augmenter le volume des fesses par injection de graisse: derrière l’esthétique, le tragique

Le 11/06/2025 à 14h24

VidéoAugmenter le volume et la taille des fesses par injection de graisse, tel est le principe de la Brazilian Butt Lift, une chirurgie qui doit son nom aux formes de rêve des femmes de ce pays d’Amérique du Sud. Mais au Sénégal, cet acte médical peut virer au cauchemar pour bien de femmes.

De nombreuses jeunes femmes, insatisfaites de leur morphologie naturelle, recourent à la chirurgie esthétique. La tendance la plus en vogue au Sénégal actuellement est la «Brazilian Butt Lift» (BBL), une intervention de chirurgie esthétique destinée à augmenter le volume des fesses par injection de graisse.

En première ligne de celles qui souhaitent augmenter le volume de leur fessier, des animatrices télé et des influenceuses, véritables vitrines de ces transformations spectaculaires.

Mais derrière ces apparences flatteuses se dissimulent des douleurs extrêmes, comme en témoigne l’influenceuse Adji Mass dans une vidéo devenue virale: «Je ne conseille à personne de faire ça. Toute la souffrance que j’ai vécue, je ne la souhaite à personne. On m’a ouvert le ventre, retiré la graisse, recousue, puis injecté cette graisse dans mes fesses. Les antibiotiques me faisaient vomir. Chaque mouvement faisait sauter les points de suture. Je n’ai jamais connu une telle douleur. J’ai vécu des accouchements, subi une fausse couche, mais rien n’est comparable aux effets post-BBL

Si Adji Mass parvient aujourd’hui à se relever de cette épreuve et alerte sur les risques du phénomène, Ngoné Ndiaye, actrice et influenceuse très connue au Sénégal, n’a pas eu la même chance. Elle est décédée récemment en Turquie, quelques jours après une opération BBL.

Sa disparition a bouleversé les réseaux sociaux sénégalais, révélant l’ampleur d’un phénomène aussi glamour que dangereux.

Originaire de Pikine et suivie par près de 95.000 abonnés sur Instagram, Ngoné incarnait une génération qui revendique la maîtrise de son image à travers les standards esthétiques mondialisés.

Le choix de la Turquie, devenue capitale du tourisme médical à bas coûts, n’était pas anodin. Ce drame soulève des questions cruciales sur ces interventions réalisées loin des systèmes de santé traditionnels.

Pour beaucoup de jeunes femmes, le recours à la chirurgie esthétique est une réponse à un mal-être profond, nourri par le «body shaming» et le manque de confiance en soi. «Ces filles souffrent de complexes, le corps de la femme est sacré, il faut apprendre à s’accepter tel qu’on est», confie une jeune femme témoin de ces drames. Elle évoque le cas d’une amie qui a fait un BBL mais le regrette amèrement «aujourd’hui, elle est malade un jour sur deux, incapable de manger correctement, même un verre de lait lui pose problème

Les conséquences de ces pratiques sont souvent dramatiques, comme l’explique lDr Amath Wade, spécialiste en santé publique. «Une opération, même si elle semble réussie, comporte des risques. Il s’agit d’une chirurgie lourde, la graisse est prélevée au niveau du ventre, des cuisses ou des bras, puis injectée dans les fesses. Cela peut entraîner des complications graves comme l’embolie, une obstruction des vaisseaux sanguins par une boule de graisse, qui peut être mortelle

Le cas de Ngoné Ndiaye illustre cruellement les dérives d’un modèle où l’esthétique prime parfois sur la sécurité.

L’essor des cliniques privées turques attire des milliers de patientes venues du monde entier, séduites par des tarifs attractifs et des promesses de transformation rapide.

La mort de Ngoné interroge également la responsabilité collective, à l’heure où les réseaux sociaux façonnent l’image corporelle de millions de jeunes femmes. Ces plateformes, souvent perçues comme des vitrines de réussite et de beauté, exercent une pression constante qui pousse à la conformité esthétique. Les influenceuses, à la fois victimes et actrices de cette dynamique, véhiculent parfois sans le vouloir des normes irréalistes aux conséquences lourdes.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 11/06/2025 à 14h24