Dix mois après la rupture de l’accord de pêche unissant depuis des années le Sénégal et l’Union européenne, le poisson demeure rare, les prix flambent et les Sénégalais attendent encore les retombées annoncées de cette décision.
Pour le moment, ceux qui avaient cru que la fin de l’accord de pêche serait synonyme d’une augmentation des captures désenchantent. Sur la plage de Kayar, les embarcations reviennent parfois presque vides. Et pour les acteurs de la filière, l’incertitude est devenue la règle.
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Pape Demba Sy, mareyeur explique que «les prises sont toujours faibles. Beaucoup de zones de production sont détruites, les poissons se sont réfugiés ailleurs. Cette rupture des accords, c’était une bonne mesure, mais après, ce sont les filets de pêche appelés «félé-félé» qui ont pris la place des bateaux. Et ça, c’est un problème.» Le «félé-félé» est un filet maillant dérivant de surface utilisé dans la pêche artisanale, son utilisation est interdite.
Moins de 1% des captures totales
Le dernier protocole entre l’UE et le Sénégal a expiré le 17 novembre 2024, depuis les navires européens ont quitté les eaux du Sénégal. Selon la délégation européenne au Sénégal, cet accord a rapporté entre 2019-2024 au budget de l’État sénégalais 8,5 millions d’euros. Une enveloppe de 900.000 euros par an a été destinée à la réalisation des projets choisis par l’administration sénégalaise.
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Sur cette période, les captures de la flotte européenne représentent moins de 1% des captures totales déclarées et réalisées par l’ensemble des flottes dans les eaux sénégalaises, soit près de 10.000 tonnes de poissons à comparer aux 400.000 tonnes par an ces dernières années.
Les captures européennes ne seraient donc pas à l’origine de la baisse des captures des pêcheurs artisanaux, une chute également constatée par les plongeurs.
Saïbata Kairé a passé six heures sous l’eau au bout desquelles il est revenu bredouille «j’ai plongé à 11 heures, il est 17 heures et voilà tout ce que j’ai pu ramener: quelques fruits de mer seulement. Avant, je revenais avec beaucoup plus. La sardine surtout se fait rare. La cause, ce sont les filets abandonnés au fond: ils piègent les poissons, qui pourrissent, et cela fait fuir les autres».
Et quand la mer peine à nourrir, c’est tout le marché qui en souffre. Dans les allées, les vendeuses composent avec la flambée des prix. Seynabou Laye, vendeuse de poissons s’en plaint «les prises sont trop faibles. Même pour revendre, c’est un casse-tête. Regardez, cette caisse, je l’ai achetée à 50.000 francs. Avant, je l’aurais eue à 40.000 ou 45.000».
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La situation devient insoutenable pour de nombreux pêcheurs. Faute de ressources suffisantes, beaucoup prennent la route pour d’autres horizons.
Pape Demba Sy avance que «certains sont partis à Nouadhibou, en Mauritanie, d’autres à Mbour pour chercher des poulpes. Ici, il n’y en a presque plus riens à cause des filets abandonnés.» Ainsi va la pêche, de crise en crise.