Dans les couloirs d’un hôpital public de Libreville, Jeannine, la quarantaine, attend depuis des heures une consultation pour sa sœur malade. «Dans le privé, si tu n’as pas d’argent, tu peux mourir là et ton corps est aussitôt acheminé vers une maison de pompes funèbres. Et dans le public, la situation est telle que les files d’attente sont interminables», confie-t-elle, visiblement épuisée. Comme elle, de nombreux Gabonais se résignent à se tourner vers le secteur privé malgré le coût prohibitif des traitements. «À la fin, on épuise nos économies pour espérer une prise en charge correcte», ajoute-t-elle.
Le système de santé gabonais, longtemps pointé du doigt pour ses carences structurelles, fait face à une crise profonde. Une situation que regrette vivement Frédéric, jeune diplômé en pharmacie. Pour lui, au-delà des infrastructures défaillantes, c’est la vocation même du métier de soignant qui s’effrite. «Il faut déjà aimer la profession et le reste suivra», conseille-t-il.
La désaffection du personnel soignant s’explique aussi par des frustrations plus profondes.
Lire aussi : Les Gabonais face à l’angoisse du bilan de santé
Franck Josaphat, président du syndicat des personnels de santé, pointe notamment les retards répétés dans le versement de l’assurance maladie. «Les hôpitaux publics fonctionnent dans des conditions de plus en plus précaires. La liste des médicaments couverts par l’assurance maladie ne cesse de se réduire, et les financements n’arrivent pas à temps», explique-t-il.
Une double peine pour les patients, contraints d’acheter à leurs frais des traitements autrefois pris en charge.
Dans les quartiers périphériques, les difficultés s’accentuent. À Nzeng Ayong, dans le 6ᵉ arrondissement de Libreville, le centre de santé peine à répondre à la demande croissante. Ses responsables appellent les nouvelles autorités à l’aide. «Il faut agrandir nos locaux et surtout renforcer les équipes médicales. On ne peut même pas ouvrir 24h/24», déclare Serge Matsangui, surveillant général de ce centre de santé de proximité.
Lire aussi : Couverture médicale : seuls 5 pays d’Afrique assurent plus de la moitié de leurs citoyens
Le centre fonctionne avec des moyens limités, dans un contexte où les besoins ne cessent de croître. Face à cette situation, les attentes sont fortes à l’égard du gouvernement de transition. Améliorer l’accès aux soins ne se limite pas à construire des hôpitaux, mais nécessite une réforme en profondeur du système: financement, gestion des ressources humaines, mise à disposition de médicaments essentiels, et surtout, réhabilitation de la vocation médicale comme pilier du service public.
Au Gabon, se soigner reste souvent un parcours d’obstacles. Si la santé est un droit, elle demeure, pour beaucoup, un luxe. La balle est désormais dans le camp des autorités, à qui il revient d’agir pour garantir un accès équitable, efficace et humain aux soins pour tous.