La recrudescence des viols à Nouakchott a de quoi inquiéter la capitale mauritanienne. Dernier en date, le viol collectif dont a été victime, Lalla 20 printemps, étudiante à l’université de Nouakchott. Elle a été victime, en novembre dernier, d’agressions sexuelles par trois jeunes garçons au domicile familiale à Dar-Naim, un des quartiers populeux de la capitale. Ce viol collectif émeut et suscite la colère de la population qui manifeste depuis avec le hashtag #كلنا_لالة.
La jeune fille a été violée par trois jeunes mauritaniens âgés de 20 à 25 ans, alors qu’elle était seule avec son vieux père handicapé dans leur modeste maison. Les trois jeunes agresseurs, récemment sortis de prison, étaient sous l’effet de la drogue au moment des faits. Sous la menace, la victime leur a remis son téléphone et de l’argent espérant les faire partir. Mais alors qu’elle était en train de refermer la porte, les trois repris de justice sont revenus à la charge, encouragés par l’impossibilité d’agir du père, physiquement diminué. Il s’en suit un viol collectif sous le regard impuissant du père.
Les voisins, alertés par les cris, sont arrivés et n’ont pu que constater les faits. Ils ont alors alerté la police qui a rapidement appréhendé les trois jeunes dès le lendemain matin grâce au téléphone de la victime. Ceux-ci n’ont pas réfuté les accusations, au contraire. Ils ont été écroués à la prison en attendant leur jugement.
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Jusque là, la justice mauritanienne s’est montrée plutôt clémente à l’égard des violeurs. La loi condamnant les violences faites aux femmes et aux filles reste bloquée au niveau de l’Assemblée nationale, ballotée entre l’exécutif et les députés, gelée par certains esprits rétrogrades qui se cachent derrière la religion avançant des «dispositions contraires à l’Islam.»
Devant ce laxisme criminel, plusieurs manifestations ont été organisées à Nouakchott en soutien à la jeune victime, loin d’être un cas isolé. Les manifestants ne souhaitent qu’une chose: que la peine de mort soit appliquée à l’égard des trois jeunes agresseurs de Lalla. Cette demande populaire s’explique par la recrudescence des viols en Mauritanie, plus particulièrement à Nouakchott où de nombreux crimes ont été enregistrés ces dernières mois, souvent commis par des jeunes sous l’effet de diverses substances illicites.
Le plus horrible a touché un enfant d’à peine 5 ans, élève dans une Mahadra à Tevrag-Zeina. Une autre gamine habitant le quartier de Dar El Beidha de Nouakchott a connu le même sort. Une tentative de viol, le 3 décembre dernier, commise contre une mère et sa fille a été avortée à Rosso mais elles ont été gravement blessées par leur agresseur… et la liste est longue.
Des progrès insuffisants
La société civile dénonce le laxisme du système judiciaire et ses peines jugées clémentes appliquées en cas de viols. De même, les grâces présidentielles accordées à certains criminels sont dénoncées. Les trois agresseurs de Lalla venaient de sortir de prison.
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Les autorités commencent à punir plus sévèrement les agresseurs sexuels. Durant le mois de décembre courant, deux personnes reconnues coupables de viol ont été condamnées à 10 ans de travaux forcés. Un verdict intervenu après des audiences en procès au cours desquelles les détails de l’abominable crime avaient été révélés. Cette condamnation illustre la volonté des autorités de mettre un terme à l’indulgence dont ont longtemps bénéficié les auteurs de telles monstruosités. Cependant, pour nombre de Mauritaniens, ces condamnations restent trop clémentes et contribuent à l’augmentation des agressions à caractère sexuel.
Les féministes et la société civile dénoncent le blocage de la loi condamnant les violences faites aux femmes et aux filles. Un blocage imputé aux forces obscurantistes qui se cachent derrière la religion. La peine de mort est prévue par le code pénal mais son exécution fait l’objet d’un moratoire depuis 1987.
Des parlementaires réagissent, le désaveu de l’ONU
En réaction au viole de Lalla, les députés de la majorité appellent à modifier la législation nationale et considérer les violes comme crimes majeurs, la mise en place de tribunaux spécialisés pour résoudre rapidement les cas de violence à l’égard des femmes, le renforcer du rôle des institutions sécuritaires et judiciaires dans la lutte contre ce phénomène et le lancement de programmes nationaux de sensibilisation à la gravité des crimes violents contre les femmes.
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En 2019, la condamnation à seulement cinq ans de prison d’un Mauritanien pour avoir violé une jeune fille de 15 ans avait même suscité la réaction du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) qui avait noté «une étape encourageante pour un pays où la violence sexiste, et en particulier le viol, est restée impunie dans la quasi-totalité des cas». «Cinq ans, c’est certainement une énorme amélioration par rapport à rien du tout, comme nous l’avons vu auparavant» s’était malgré tout félicité Rupert Colville, porte-parole du HCDH.