Tunisie: le président dissout le Parlement et renforce son emprise

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Le 30/03/2022 à 20h55, mis à jour le 30/03/2022 à 21h36

Le président tunisien Kais Saied a annoncé mercredi la dissolution du Parlement huit mois après l'avoir suspendu pour s'arroger les pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller l'expérience démocratique dans le pays berceau du Printemps arabe.

Saied a fait cette annonce lors d'une réunion du "Conseil de sécurité nationale" qu'il a présidée, quelques heures après que des députés ont bravé la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle, au cours de laquelle ils ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles décidées depuis par le président.

"J'annonce aujourd'hui en ce moment historique la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple pour préserver l'Etat et ses institution et pour préserver le peuple tunisien", a déclaré Saied dans une vidéo diffusée par la présidence.

Après des mois de blocage politique, Saied, élu fin 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominée par le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire.

Le 22 septembre, le chef de l'Etat a officialisé ses pleins pouvoirs par des "mesures exceptionnelles" qui prolongent la suspension du Parlement. Elles lui permettent aussi de légiférer par décret, de présider le Conseil des ministres et d'amender les lois.

Cent-vingt députés tunisiens ont bravé mercredi la suspension du Parlement en organisant une séance virtuelle au cours de laquelle ils ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles décidées par Saied depuis le 25 juillet.

A l'appel du Bureau de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), une instance qui regroupe la présidence du Parlement et des représentants des partis y siégeant, 120 députés (sur un total de 217) ont participé à cette plénière en ligne, présidée par Tarek Fertiti, vice-président du Parlement, un indépendant.

"Tentative de coup d'Etat"

Le président de l'ARP, Rached Ghannouchi, également chef du parti Ennahdha, n'a pas participé à cette plénière.

Cent-seize députés ont voté en faveur d'un projet de loi visant à annuler les mesures exceptionnelles prises par Saied, qui bloquent, selon eux, le processus démocratique et instaurent le pouvoir d'un seul homme dans le pays berceau du Printemps arabe.

Les députés, dont des élus d'Ennahdha et des indépendants, ont appelé en outre à l'organisation d'élections législatives et présidentielle anticipées pour sortir de la crise politique et socio-économique.

Dans son allocution annonçant la dissolution du Parlement, Saied a qualifié la réunion des députés de "tentative de coup d'Etat, qui a échoué".

Il a accusé les participants de "comploter contre la sécurité de l'Etat" et demandé à la ministre d'engager des poursuites à leur encontre.

"Nos forces de sécurité militaires et civiles feront face selon la loi à tout recours à la violence", a-t-il averti.

Après avoir suspendu le Parlement et limogé le gouvernement, Saied a dissous en février le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), une mesure qualifiée de nouvelle dérive autoritaire par ses détracteurs et qui a suscité des inquiétudes pour l'indépendance de la justice.

Saied a dévoilé une feuille de route pour sortir le pays de la crise avec des élections prévues en juillet ainsi qu'un référendum sur des amendements constitutionnels, mais une consultation populaire en ligne qu'il a lancée pour recueillir des propositions a largement été boudée par les Tunisiens.

Outre l'impasse politique, la Tunisie de se sortir d'une profonde crise socio-économique et discute avec le Fonds monétaire international pour obtenir un nouveau prêt.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 30/03/2022 à 20h55, mis à jour le 30/03/2022 à 21h36