Tunisie: le chef du Parlement rejette sa dissolution par le président

DR

Le 31/03/2022 à 18h54, mis à jour le 31/03/2022 à 18h54

Le chef du Parlement tunisien Rached Ghannouchi a rejeté jeudi la décision du président Kais Saied de dissoudre l'Assemblée, affirmant qu'elle continuerait ses activités, pour sauver, selon lui, la démocratie dans le pays berceau du Printemps arabe.

"Nous considérons que le Parlement reste en activité", a déclaré Ghannouchi, dans une interview à l'AFP. "Constitutionnellement, le président n'a pas le droit de le dissoudre".

Mercredi, le président Saied a annoncé la dissolution du Parlement, huit mois après l'avoir suspendu pour s'arroger les pleins pouvoirs en juillet 2021.

"Cette décision est nulle et non avenue et elle est contraire à la Constitution. Elle s'inscrit dans la continuité des décisions prises depuis le 25 juillet que nous avons rejetées et considérées comme un coup d'Etat", a dit Ghannouchi, également chef du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, principale force parlementaire et bête noire du président Saied.

Après avoir suspendu le Parlement et limogé le gouvernement en juillet, Saied a dissous en février le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), une mesure qualifiée de nouvelle dérive autoritaire par ses détracteurs et qui a suscité des inquiétudes pour l'indépendance de la justice.

En décembre, il a dévoilé une feuille de route pour sortir le pays de la crise avec des élections prévues fin 2022 ainsi qu'un référendum sur des amendements constitutionnels en juillet, mais une consultation populaire en ligne qu'il a lancée pour recueillir des propositions a largement été boudée par les Tunisiens.

"Coexistence menacée"

"Le président a procédé au gel du Parlement puis à sa dissolution, il veut gouverner seul ce qui revient à détruire le principe de la séparation des pouvoirs", a estimé Ghannouchi.

"La décision de dissoudre le Parlement menace la coexistence commune" en Tunisie, a-t-il encore ajouté.

Saied a annoncé la dissolution de la chambre quelques heures après la tenue d'une réunion virtuelle de 120 députés, à l'appel d'une instance de direction du Parlement, bravant la suspension décidée en juillet.

Au cours de cette plénière, 116 députés ont voté pour annuler les mesures exceptionnelles prises par Saied qui bloquent, selon eux, le processus démocratique et instaurent un pouvoir autoritaire dans le pays qui avait lancé le coup d'envoi du Printemps arabe en chassant l'ancien dictateur tunisien Zine el-Abidine ben Ali en 2011.

Les députés, dont des élus d'Ennahdha et des indépendants, ont appelé en outre à l'organisation d'élections législatives et présidentielle anticipées pour sortir de la crise politique et socio-économique.

Saied a qualifié cette réunion de "tentative de coup d'Etat, qui a échoué". Il a accusé les participants de "comploter contre la sécurité de l'Etat" et demandé à la ministre de la Justice Leila Jaffel d'engager des poursuites à leur encontre.

"Ce sont des interprétations utilisées par ceux qui défendent le pouvoir individualiste et le retour à la dictature, mais en réalité, la réunion de l'Assemblée hier est légitime", s'est défendu Ghannouchi.

Une enquête judiciaire a été ouverte jeudi contre les députés ayant participé à la séance en ligne, a indiqué le ministère de la Justice à l'AFP.

Plus de 30 députés ont reçu jeudi une convocation par la brigade anti-terroriste, a affirmé à l'AFP Ghannouchi. "Traiter des députés élus comme des terroristes est dangereux", a-t-il estimé.

Ghannouchi a assuré qu'il mènerait avec ses partenaires "un combat national pour défendre la démocratie par tous les moyens pacifiques disponibles et autorisés".

Outre l'impasse politique, la Tunisie se débat dans une profonde crise socio-économique et discute avec le Fonds monétaire international pour obtenir un nouveau prêt.

La puissante centrale syndicale UGTT, qui avait critiqué la réunion virtuelle du Parlement, a favorablement accueilli jeudi sa dissolution, estimant qu'il était devenu un symbole de la "corruption politique" dans le pays.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 31/03/2022 à 18h54, mis à jour le 31/03/2022 à 18h54