Tunisie: l’égalité des sexes en matière d’héritage divise jusqu’à Al Azhar

Le président tunisien Beji Caid Essebsi.

Le président tunisien Beji Caid Essebsi.. DR

Le 15/08/2017 à 13h48, mis à jour le 15/08/2017 à 13h51

L’égalité des sexes en matière d’héritage divise la société tunisienne. La proposition du président est critiquée jusqu’au sein de la plus importante représentation sunnite d’Al Azhar en Egypte. Il faut dire que le président Béji Caïd Essebsi touche des domaines très encadrés par le Coran.

Dans son discours du dimanche 13 août courant, le président tunisien Béji Caïd Essebsi a ouvert le délicat débat de l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage. Un sujet qui divise dans presque tous les pays musulmans. D’ailleurs, le président lui-même l’a reconnu dans son discours en soulignant que si la Constitution tunisienne dispose que l’Etat est civil, il n’en demeure pas moins que «notre peuple est musulman (…) et nous ne voulons pas aller dans des réformes qui choqueraient le peuple tunisien».

Il faut souligner que le Code du statut personnel de 1956, qui a accordé plusieurs droits à la femme tunisienne, considérée comme pionnière en matière d'émancipation dans le monde musulman, n’avait pas réglé le problème de l’héritage. Du coup, les femmes continuent encore d’hériter uniquement la moitié de la part qui revient aux hommes, en vertu de ce que prévoit le Coran. Du coup, la question de l’héritage est taboue dans les pays musulmans.

Conséquence: cette initiative du président divise la société tunisienne, et au-delà. Du côté des soutiens, le président a pu compter sur celui de Dar al-Iftaa, autorité religieuse gouvernementale. Celle-ci a apporté son soutien au président estimant que «l’initiative de Caid Essebsi constitue un soutien à la femme, et une mise en application du principe d’égalité homme et femme, soutenue par notre religion». Allant dans le même sens, le ministre des Affaires religieuses a souligné que le président a le pouvoir constitutionnel de faire ce qu’il trouve juste, tout en affirmant que son département est incapable d’émettre des «fatwas».

Plus tranchant, le secrétaire général du Syndicat des imams tunisiens, Fadhel Achour, a appelé le mufti de la république, Othman Batikh, à présenter sa démission suite au communiqué publié par Dar al-Iftaa approuvant le discours du président sur l’égalité de l’héritage entre l’homme et la femme. «Nous avons appelé Dar al-Iftaa à reconsidérer sa position, dans le cas contraire, Othman Batikh doit démissionner», a t-il expliqué.

Au-delà, l’initiative du président tunisien a fait réagir Al-Azhar, la plus importante institution sunnite du monde musulman. Le vice-grand imam de la mosquée Al-Azhar a réagi violemment à l’initiative du président tunisien visant à instaurer l’égalité dans l’héritage entre les deux sexes et l’autorisation du mariage d’une Tunisienne avec un non-musulman. Pour Cheikh Chouman, cette initiative porte atteinte à la Charia sachant que les versets coraniques relatifs à l’héritage sont clairs et n’autorisent pas d’interprétation.

En plus de l’héritage, le président tunisien souhaite aussi que le gouvernement retire la circulaire 73 empêchant le mariage des tunisiennes musulmanes avec des non-musulmans. Là aussi le débat est ouvert.

Les opposants accusent le président tunisien d’avoir des visées politiques en lançant sa campagne électorale prématurément pour s’assurer de l’appui des femmes pour les prochaines élections municipales qui seront organisées durant l’année en cours.

Par Karim Zeidane
Le 15/08/2017 à 13h48, mis à jour le 15/08/2017 à 13h51